La société Safran Helicopter Engines (la société) a fait assigner devant le président du tribunal judiciaire le comité social et économique de la société, établissement, afin d'obtenir, sur le fondement des articles L. 2315-94, L. 2315-86 et R. 2315-49 du code du travail, l'annulation de la délibération du comité social et économique du 20 octobre 2020, aux termes de laquelle a été votée une expertise pour risque grave sur le secteur DT/MPE pour laquelle a été désigné comme expert le cabinet Isast et a été mis en place un comité de pilotage.
La société fait grief au jugement de la débouter de ses demandes, alors « qu'il appartient au comité social et économique de rapporter la preuve du risque grave dont il se prévaut au soutien de sa délibération ordonnant une expertise dans l'entreprise ou l'établissement ; qu'en retenant dès lors, pour refuser d'annuler la décision de recourir à l'expertise, que, ‘‘faute pour la société Safran Helicopter Engines de démontrer qu'il n'existe aucun risque grave, actuel et identifié de risques psychosociaux, il y a lieu de la débouter de son action en annulation de la délibération du comité social et économique en date du 20 octobre 2020'', cependant que la charge de la preuve du risque conditionnant la validité du recours à l'expertise pesait sur l'institution représentative du personnel qui l'invoquait, le président du tribunal judiciaire a renversé la charge de la preuve, violant l'article L. 2315-94 du code du travail, ensemble l'article 1353 du code civil. »
La société fait grief au jugement de la débouter de ses demandes, alors « qu'il appartient au comité social et économique de rapporter la preuve du risque grave dont il se prévaut au soutien de sa délibération ordonnant une expertise dans l'entreprise ou l'établissement ; qu'en retenant dès lors, pour refuser d'annuler la décision de recourir à l'expertise, que, ‘‘faute pour la société Safran Helicopter Engines de démontrer qu'il n'existe aucun risque grave, actuel et identifié de risques psychosociaux, il y a lieu de la débouter de son action en annulation de la délibération du comité social et économique en date du 20 octobre 2020'', cependant que la charge de la preuve du risque conditionnant la validité du recours à l'expertise pesait sur l'institution représentative du personnel qui l'invoquait, le président du tribunal judiciaire a renversé la charge de la preuve, violant l'article L. 2315-94 du code du travail, ensemble l'article 1353 du code civil. »
Réponse de la Cour
Selon le premier de ces textes, le comité social et économique peut faire appel à un expert habilité dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat lorsqu'un risque grave, identifié et actuel, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l'établissement. Selon le second, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
Il en résulte qu'il incombe au comité social et économique dont la délibération ordonnant une expertise en application de l'article L. 2315-94, 1°, du code du travail est contestée, de démontrer l'existence d'un risque grave, identifié et actuel, dans l'établissement.
Pour débouter la société de son action en annulation de la délibération du comité social et économique du 20 octobre 2020, le jugement retient que le constat d'un risque grave relève de l'appréciation du comité social et économique en l'absence de dénaturation des faits qu'il présente comme constituant ce risque et que le juge n'a pas à contrôler l'opportunité de la mesure d'expertise décidée, que les représentants élus du comité social et économique sont, de fait, des spécialistes en matière de risques psychosociaux, ils sont chargés de retransmettre les inquiétudes exprimées par des salariés et le fait qu'ils aboutissent à la nécessité d'une nouvelle expertise confiée à un cabinet extérieur, et ce, à l'unanimité des membres élus, relève de l'exercice de leur mission au sein du comité social et économique et que faute pour la société de démontrer qu'il n'existe aucun risque grave, actuel et identifié de risques psychosociaux, il y a lieu de la débouter.
En statuant ainsi, le tribunal judiciaire, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les textes susvisés.
Il en résulte qu'il incombe au comité social et économique dont la délibération ordonnant une expertise en application de l'article L. 2315-94, 1°, du code du travail est contestée, de démontrer l'existence d'un risque grave, identifié et actuel, dans l'établissement.
Pour débouter la société de son action en annulation de la délibération du comité social et économique du 20 octobre 2020, le jugement retient que le constat d'un risque grave relève de l'appréciation du comité social et économique en l'absence de dénaturation des faits qu'il présente comme constituant ce risque et que le juge n'a pas à contrôler l'opportunité de la mesure d'expertise décidée, que les représentants élus du comité social et économique sont, de fait, des spécialistes en matière de risques psychosociaux, ils sont chargés de retransmettre les inquiétudes exprimées par des salariés et le fait qu'ils aboutissent à la nécessité d'une nouvelle expertise confiée à un cabinet extérieur, et ce, à l'unanimité des membres élus, relève de l'exercice de leur mission au sein du comité social et économique et que faute pour la société de démontrer qu'il n'existe aucun risque grave, actuel et identifié de risques psychosociaux, il y a lieu de la débouter.
En statuant ainsi, le tribunal judiciaire, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les textes susvisés.
La cour de cassation rappelle : Le comité social et économique peut faire appel à un expert habilité dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat :
1° Lorsqu'un risque grave, identifié et actuel, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l'établissement ;
2° En cas d'introduction de nouvelles technologies ou de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, prévus au 4° du II de l'article L. 2312-8 ;
1° Lorsqu'un risque grave, identifié et actuel, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l'établissement ;
2° En cas d'introduction de nouvelles technologies ou de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, prévus au 4° du II de l'article L. 2312-8 ;
3° Dans les entreprises d'au moins trois cents salariés, en vue de préparer la négociation sur l'égalité professionnelle.
Elle fait référence également au code civil : "Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation."
Au vu de cela, la cour rappelle qu'il appartient au CSE d'apporter la preuve de l'existence de risque grave, actuel identifié.
L'affaire est renvoyée devant le président du tribunal judiciaire. Afin de rechercher si la situation répond à la définition du risque grave en fonction des éléments apportés par les parties.