Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Bourges, 26 octobre 2018), M. X..., engagé le 18 novembre 1991 en qualité de conducteur longue distance par la société Galopin transports, aux droits de laquelle vient la société Transports Murie-Galopin (la société), a été placé en arrêt de travail pour maladie à compter du 10 mai 2015.
2. Le 14 septembre 2015, le salarié a saisi la juridiction prud’homale en paiement de diverses sommes au titre de l’exécution du contrat de travail. Ayant été déclaré inapte à son poste par le médecin du travail à l’issue d’un examen du 10 mars 2017, M. X... a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement et a formé des demandes au titre de la rupture du contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi incident de l’employeur, ci-après annexé
3. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen du pourvoi principal du salarié, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. M. X... fait grief à l’arrêt de le débouter de ses demandes en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d’une indemnité de préavis, outre les congés payés, alors « qu’en cas d’inaptitude d’origine non professionnelle déclarée par le médecin du travail, l’employeur doit consulter les délégués du personnel pour recueillir leur avis avant la proposition d’un poste de reclassement approprié aux capacités du salarié ; qu’à défaut de recueil de cet avis, l’obligation de reclassement n’est pas satisfaite et le licenciement qui s’en suit est sans cause réelle et sérieuse ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a jugé que l’employeur a satisfait à son obligation de reclassement, nonobstant le défaut de recueil de l’avis préalable des délégués du personnel, lequel manquement n’ayant pas pour effet de rendre le licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales qu’imposaient ses propres constatations, a violé, par fausse application, les articles L. 1226-2 et L. 1226-2-1 du code du travail dans leurs versions issues de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1226-2 et L. 1226-2-1, alinéas 2 et 3, du code du travail, en leur rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :
5. Aux termes du premier de ces textes, lorsque le salarié victime d’une maladie ou d’un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l’article L. 4624-4, à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel lorsqu’ils existent, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur les capacités du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d’une formation le préparant à occuper un poste adapté. L’emploi proposé est aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.
6. Aux termes du second de ces textes, l’employeur ne peut rompre le contrat de travail que s’il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l’article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l’emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l’avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi. L’obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l’employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l’article L. 1226-2, en prenant en compte l’avis et les indications du médecin du travail.
7. Il résulte de ces textes que la méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte consécutivement à un accident non professionnel ou une maladie, dont celle imposant à l’employeur de consulter les délégués du personnel, prive le licenciement de cause réelle et sérieuse.
8. Pour rejeter les demandes du salarié au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’arrêt, après avoir relevé que l’obligation de consultation des délégués n’avait pas été respectée, retient que ce manquement n’a pas pour effet de rendre le licenciement sans cause réelle et sérieuse et qu’au surplus, le salarié n’a pas formé de demande distincte de celle présentée au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, étant observé que l’article L. 1226-15 du code du travail issu de la loi du 8 août 2016 ne sanctionne le défaut d’avis des délégués du personnel que lorsqu’il intervient dans le cadre d’une inaptitude professionnelle.
9. En statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi incident formé par la société Transports Murie-Galopin ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il rejette les demandes en paiement d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’une indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, l’arrêt rendu le 26 octobre 2018, entre les parties, par la cour d’appel de Bourges ;
Remet, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel d’Orléans ;
Président : M. Cathala
Rapporteur : M. Silhol, conseiller référendaire
Avocat général : Mme Courcol-Bouchard, premier avocat général
Avocat(s) : SARL Cabinet Munier-Apaire - SCP Colin-Stoclet
Arrêt n°819 du 30 septembre 2020 (19-11.974) - Cour de cassation - Chambre sociale