Définir le harcèlement moral dans le Code du travail a été un immense progrès en ce que des agissements jusque-là peu mis en avant ont été dénoncés sans crainte et poursuivis utilement. Il ne faut cependant pas tout confondre car tout comportement anormal au travail ne constitue pas nécessairement du harcèlement moral. Est-il possible de ne donner pour seule limite au pouvoir de direction de l’employeur le non-harcèlement ? Quelles sont les frontières entre le stress au travail et le harcèlement moral ? Voici un petit aperçu législatif et jurisprudentiel de ces deux notions qui vous permettra de mieux comprendre où s’arrête le stress et où commence réellement le harcèlement moral ?
Qu’est-ce que le harcèlement moral ?
Marie-France HIRIGOYEN, auteur de l’ouvrage Le harcèlement moral dans la vie professionnelle (Editions La Découverte et Syros 2001), définit le harcèlement moral comme « toute conduite abusive se manifestant notamment par des comportements, des paroles, des actes, des gestes, des écrits, pouvant porter atteinte à la personnalité, à la dignité ou à l’intégrité physique ou psychique d’une personne, afin de mettre en péril l’emploi de celle-ci ou de dégrader le climat de travail ».
En droit français, il a fallu attendre la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 pour que soit consacré légalement le harcèlement moral. La définition initiale a été modifiée plusieurs fois, notamment par la loi du 3 janvier 2003 puis par la loi du 27 mai 2008 transposant la directive du 29 juin 2000 qui assimile le harcèlement à une forme de discrimination.
L’article L 1152-1 du Code du travail actuellement en vigueur dispose qu’ « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».
Cette disposition ne précise pas quel type de comportement est constitutif de harcèlement moral. Elle expose uniquement les conséquences de ce comportement au regard de la santé de la victime, de son avenir professionnel ou de ses conditions de travail. On pourrait expliquer ce choix du législateur par le fait que de multiples comportements sont susceptibles de caractériser le harcèlement moral. De plus, c’est la réunion de plusieurs agissements qui est exigée, or s’ils sont pris séparément, ceux-ci ne sont pas nécessairement illicites et suffisants pour qualifier le harcèlement.
Des agissements répétés
Le harcèlement moral est constitué d’agissements objectifs, appréciés différemment par les victimes dont le seuil de tolérance est variable mais dans tous les cas, ces actes doivent être matériellement vérifiables. Est-il nécessaire que ces actes soient identiques ou le harcèlement moral peut-il s’entendre de la somme de plusieurs actes différents ? Le critère posé est celui de la réitération d’actes. Un fait isolé, unique ne peut donc pas permettre de qualifier une pratique de harcèlement moral. En revanche, s’il est exigé une répétition d’actes, il n’est pas requis une similitude de ceux-ci.
Voici des exemples d’agissements qui ont été reconnus comme du harcèlement moral par les juges : des sanctions disciplinaires injustifiées, une privation de travail ou de moyens de travail (téléphone, ordinateur, bureau notamment), des humiliations, des critiques, un manque de respect.
L’auteur des agissements
Concernant l’auteur du harcèlement, la loi ne l’identifie pas précisément car il peut s’agir d’un supérieur hiérarchique, d’un collègue de travail ou d’un collaborateur. Le harcèlement peut, en effet, être vertical, horizontal ou ascendant. Dans la pratique, les situations de harcèlement moral entre un employeur (ou un responsable hiérarchique) et un salarié sont les plus fréquentes mais on remarque que des cas de harcèlements horizontaux sont également courants. Les cas les plus rares sont ceux de harcèlement vertical ascendant.
L’intention de nuire, critère écarté par les juges
Dans un arrêt du 10 novembre 2009, la Cour de cassation rappelle que le harcèlement moral ne nécessite pas d’intention de nuire de la part de l’auteur des faits. Le harcèlement moral est, en effet, constitué dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail, indépendamment de l’intention de son auteur. Le salarié qui se prétend harcelé n’a donc pas à démontrer que les agissements répétés de harcèlement moral de ses supérieurs hiérarchiques relèvent d’une démarche gratuite, inutile et réfléchie destinée à l’atteindre, pour laisser présumer l’existence d’un harcèlement moral. La définition légale du harcèlement moral vise des agissements ayant « pour objet ou pour effet ». Pour les premiers, il y a effectivement intention de harceler mais pour les seconds, le harcèlement est seulement une conséquence des agissements. Il n’est pas intentionnellement recherché par son auteur. Cet arrêt recentre la jurisprudence sur la définition légale du harcèlement qui, en pratique, a tendance à être reconnu uniquement en présence d’agissements volontaires et intentionnels.
Qu’est-ce que le stress ?
Selon l’accord national interprofessionnel (ANI) sur le stress au travail du 2 juillet 2008, un état de stress survient lorsqu’il y a déséquilibre entre la perception qu’une personne a des contraintes que lui impose son environnement et la perception qu’elle a de ses propres ressources pour y faire face. Le stress peut affecter tout lieu de travail et tout travailleur, quel que soit la taille de l’entreprise, le domaine d’activité, le type de contrat ou de relation d’emploi.
Cet accord a été étendu par un arrêté du 23 avril 2009. Signé par l’ensemble des organisations syndicales, il est obligatoire depuis le 6 mai 2009 pour tous les employeurs et les salariés du commerce, de l’industrie, des services et de l’artisanat. Un certain nombre de signes permettant de révéler la présence de stress au travail sont évoqués par l’accord, tels des niveaux élevés d’absentéisme, de rotation du personnel et d’accidents du travail. L’ANI révèle également les multiples origines du stress qui peut provenir tant de la vie personnelle que de la vie professionnelle. Le stress au travail est envisagé non simplement comme un problème de santé individuelle mais également comme un phénomène lié à l’organisation et l’environnement de travail eux-mêmes.
Transposant en droit français l’accord cadre européen du 8 octobre 2004, l’ANI a pour objet de permettre une meilleure compréhension du stress dans les relations professionnelles et de fournir un cadre qui permette de détecter, prévenir, éviter et faire face aux problèmes de stress. Il met également en évidence les moyens d’identifier un état de stress et envisage une obligation de prévention à la charge de l’employeur, acteur central dont la mission consiste notamment à préserver la santé physique et mentale de ses salariés.
L’accord cadre européen donnait une définition quelque peu différente de celle de l’ANI. En effet, dans cet accord, le stress est considéré comme un état accompagné de plaintes ou dysfonctionnements physiques, psychologiques ou sociaux et qui résulte du fait que les individus se sentent inaptes à combler un écart avec les exigences ou les attentes les concernant.
Les partenaires sociaux ont admis que le stress pouvait avoir un caractère subjectif en reconnaissant que « différents individus peuvent réagir de manière différente à des situations similaires et un même individu peut, à des moments différents de sa vie, réagir différemment à des situations similaires », ce qui rend la tâche de l’employeur encore plus complexe quant à son obligation de prévention et de gestion du phénomène ».
Les enquêtes sur le stress au travail
Il est intéressant de noter que le stress au travail a fait l’objet de nombreuses enquêtes (française et européenne). Le stress est considéré comme un risque professionnel pouvant affecter tout travailleur quelle que soit son entreprise ou son secteur d’activité, public ou privé, les fonctionnaires n’étant évidemment pas à l’abris de telles pratiques.
L’enquête européenne sur les conditions de travail de 2000 a permis de souligner que le stress au travail est le 2e problème de santé derrière les douleurs dorsales et qu’il affecte 28 % des travailleurs européens. Est également mis en évidence le fait que les travailleurs éprouvent des difficultés face à une exposition prolongée ou répétée à des conditions de travail stressantes et peuvent alors développer divers troubles plus ou moins graves pour leur santé tels que des troubles du sommeil, une agressivité, un repli sur soi, une dépression voire des actes suicidaires. A l’inverse, si l’exposition est modérée, les travailleurs arrivent mieux à la gérer. Il est en effet possible de surmonter l’acceptable, c’est lorsque cela devient excessif que les individus craquent.
En résumé, le stress s’entend de la conséquence des difficultés du salarié à supporter la pression au travail, entraînant une dégradation de son état psychologique pouvant avoir des conséquences sur son état physique. Ces pressions exercées par l’employeur, lorsqu’elles sont nées des contraintes imposées par les impératifs de gestion normaux, relèvent du stress et non du harcèlement moral puisque les agissements ayant entraîné l’état du salarié ne sont pas à eux seuls répréhensibles.
Le harcèlement moral est beaucoup plus que du simple stress et même si la plupart du temps, les deux phénomènes sont présents dans les faits, le stress étant une notion courante dans le milieu professionnel, il faut bien comprendre que le harcèlement emporte plus de désagréments.
Quelle différence entre le stress et le harcèlement moral ?
La plupart des salariés subissant des pressions et des conditions de travail stressantes, il arrive fréquemment que ces personnes se prétendent harcelées alors qu’en réalité elles ne le sont pas.
Juridiquement, le harcèlement moral est qualifié et un salarié qui en serait victime peut demander la condamnation du responsable ainsi que la réparation de son préjudice. Le stress est un concept plus subjectif lié à la faculté qu’a le salarié à gérer la pression.
Le stress ne suffit pas à caractériser le harcèlement moral. Dans un arrêt du 18 septembre 2007 (n°05-45406), la Cour de cassation n’a pas reconnu les faits comme constitutifs de harcèlement moral. En l’espèce, une mauvaise ambiance avait conduit au départ du salarié.
Le stress ne devient destructeur que par excès, le harcèlement est destructeur par sa nature même.
Pour illustrer cette citation de Marie-France HIRIGOYEN, voici un exemple tiré de son ouvrage. Il s’agit du témoignage d’un salarié présent dans l’entreprise depuis de nombreuses années. Une restructuration des services est opérée et le stress commence à devenir constant du fait de la surcharge de travail et des conditions de travail. Par la suite, le salarié fait l’objet de harcèlement moral. Ce qu’il en ressort, c’est que « lorsqu’il était soumis à un rythme de travail épuisant, le salarié était seulement fatigué, mais lorsqu’une personne s’acharne contre lui et l’humilie publiquement, il tombe gravement malade. On voit qu’il ne s’agit pas du tout de la même échelle de gravité ».
Il est constant que des faits de harcèlement moral ne peuvent être confondus avec l’exercice, fut-il autoritaire, du pouvoir général d’organisation du chef d’entreprise. En effet, toute activité professionnelle peut être à l’origine de contraintes, de difficultés relationnelles ou de stress sans que les problèmes de santé qui en découlent soient forcément rattachés à des situations de harcèlement moral. (CA Chambéry, 18 mars 2008, n°07/01338).
Dans le même sens, il ressort d’un arrêt de la Cour d’appel de Grenoble rendu le 23 avril 2007 que l’exercice de toute activité professionnelle conduit à lui seul à gérer des contraintes, des difficultés relationnelles ou du stress qui peuvent être à l’origine de problèmes de santé sans pour autant que ces situations puissent être qualifiées de harcèlement moral.
Selon Marie-France HIRIGOYEN, « lorsqu’on aborde le problème des contraintes professionnelles, il faut avoir conscience que certaines personnes peu motivées par leur travail se sentent harcelées dès qu’on les houspille en essayant de les stimuler ».
Le harcèlement moral va bien au-delà de la simple prise de décision légitime de l’employeur. Il relève de l’abus et s’analyse notamment en une dérive dans l’utilisation du pouvoir de direction.
Même s’il entre dans le rôle de l’employeur du fait du lien de subordination découlant du contrat de travail de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de ses subordonnés, il ne doit pas pour autant dénigrer systématiquement ses salariés, les critiquer dans le but de porter atteinte à leur dignité ou les humilier régulièrement sinon il se rendrait coupable de harcèlement moral. Il doit en effet user de son pouvoir de direction avec retenue, sans abus, sinon il risque de se le voir reprocher par les salariés et de devoir réparer le préjudice subi par ceux-ci.
La situation dans laquelle les propos se manifestent est un point à prendre également en considération. Selon les habitudes ou les pratiques de l’entreprise, certaines paroles pourraient être mal perçues dans certains cas alors que dans d’autres, elles pourraient être considérées comme normales. Il faut donc vivement s’intéresser au contexte.
Pour terminer sur la distinction stress et harcèlement moral, il est utile de préciser que si l’objectif conscient du management par le stress est de motiver les salariés en les plaçant par exemple en concurrence et de les rendre plus performants, le but du harcèlement est souvent de nuire à la personne visée, de la détruire.
Qu’est-ce que le harcèlement moral ?
Marie-France HIRIGOYEN, auteur de l’ouvrage Le harcèlement moral dans la vie professionnelle (Editions La Découverte et Syros 2001), définit le harcèlement moral comme « toute conduite abusive se manifestant notamment par des comportements, des paroles, des actes, des gestes, des écrits, pouvant porter atteinte à la personnalité, à la dignité ou à l’intégrité physique ou psychique d’une personne, afin de mettre en péril l’emploi de celle-ci ou de dégrader le climat de travail ».
En droit français, il a fallu attendre la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 pour que soit consacré légalement le harcèlement moral. La définition initiale a été modifiée plusieurs fois, notamment par la loi du 3 janvier 2003 puis par la loi du 27 mai 2008 transposant la directive du 29 juin 2000 qui assimile le harcèlement à une forme de discrimination.
L’article L 1152-1 du Code du travail actuellement en vigueur dispose qu’ « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».
Cette disposition ne précise pas quel type de comportement est constitutif de harcèlement moral. Elle expose uniquement les conséquences de ce comportement au regard de la santé de la victime, de son avenir professionnel ou de ses conditions de travail. On pourrait expliquer ce choix du législateur par le fait que de multiples comportements sont susceptibles de caractériser le harcèlement moral. De plus, c’est la réunion de plusieurs agissements qui est exigée, or s’ils sont pris séparément, ceux-ci ne sont pas nécessairement illicites et suffisants pour qualifier le harcèlement.
Des agissements répétés
Le harcèlement moral est constitué d’agissements objectifs, appréciés différemment par les victimes dont le seuil de tolérance est variable mais dans tous les cas, ces actes doivent être matériellement vérifiables. Est-il nécessaire que ces actes soient identiques ou le harcèlement moral peut-il s’entendre de la somme de plusieurs actes différents ? Le critère posé est celui de la réitération d’actes. Un fait isolé, unique ne peut donc pas permettre de qualifier une pratique de harcèlement moral. En revanche, s’il est exigé une répétition d’actes, il n’est pas requis une similitude de ceux-ci.
Voici des exemples d’agissements qui ont été reconnus comme du harcèlement moral par les juges : des sanctions disciplinaires injustifiées, une privation de travail ou de moyens de travail (téléphone, ordinateur, bureau notamment), des humiliations, des critiques, un manque de respect.
L’auteur des agissements
Concernant l’auteur du harcèlement, la loi ne l’identifie pas précisément car il peut s’agir d’un supérieur hiérarchique, d’un collègue de travail ou d’un collaborateur. Le harcèlement peut, en effet, être vertical, horizontal ou ascendant. Dans la pratique, les situations de harcèlement moral entre un employeur (ou un responsable hiérarchique) et un salarié sont les plus fréquentes mais on remarque que des cas de harcèlements horizontaux sont également courants. Les cas les plus rares sont ceux de harcèlement vertical ascendant.
L’intention de nuire, critère écarté par les juges
Dans un arrêt du 10 novembre 2009, la Cour de cassation rappelle que le harcèlement moral ne nécessite pas d’intention de nuire de la part de l’auteur des faits. Le harcèlement moral est, en effet, constitué dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail, indépendamment de l’intention de son auteur. Le salarié qui se prétend harcelé n’a donc pas à démontrer que les agissements répétés de harcèlement moral de ses supérieurs hiérarchiques relèvent d’une démarche gratuite, inutile et réfléchie destinée à l’atteindre, pour laisser présumer l’existence d’un harcèlement moral. La définition légale du harcèlement moral vise des agissements ayant « pour objet ou pour effet ». Pour les premiers, il y a effectivement intention de harceler mais pour les seconds, le harcèlement est seulement une conséquence des agissements. Il n’est pas intentionnellement recherché par son auteur. Cet arrêt recentre la jurisprudence sur la définition légale du harcèlement qui, en pratique, a tendance à être reconnu uniquement en présence d’agissements volontaires et intentionnels.
Qu’est-ce que le stress ?
Selon l’accord national interprofessionnel (ANI) sur le stress au travail du 2 juillet 2008, un état de stress survient lorsqu’il y a déséquilibre entre la perception qu’une personne a des contraintes que lui impose son environnement et la perception qu’elle a de ses propres ressources pour y faire face. Le stress peut affecter tout lieu de travail et tout travailleur, quel que soit la taille de l’entreprise, le domaine d’activité, le type de contrat ou de relation d’emploi.
Cet accord a été étendu par un arrêté du 23 avril 2009. Signé par l’ensemble des organisations syndicales, il est obligatoire depuis le 6 mai 2009 pour tous les employeurs et les salariés du commerce, de l’industrie, des services et de l’artisanat. Un certain nombre de signes permettant de révéler la présence de stress au travail sont évoqués par l’accord, tels des niveaux élevés d’absentéisme, de rotation du personnel et d’accidents du travail. L’ANI révèle également les multiples origines du stress qui peut provenir tant de la vie personnelle que de la vie professionnelle. Le stress au travail est envisagé non simplement comme un problème de santé individuelle mais également comme un phénomène lié à l’organisation et l’environnement de travail eux-mêmes.
Transposant en droit français l’accord cadre européen du 8 octobre 2004, l’ANI a pour objet de permettre une meilleure compréhension du stress dans les relations professionnelles et de fournir un cadre qui permette de détecter, prévenir, éviter et faire face aux problèmes de stress. Il met également en évidence les moyens d’identifier un état de stress et envisage une obligation de prévention à la charge de l’employeur, acteur central dont la mission consiste notamment à préserver la santé physique et mentale de ses salariés.
L’accord cadre européen donnait une définition quelque peu différente de celle de l’ANI. En effet, dans cet accord, le stress est considéré comme un état accompagné de plaintes ou dysfonctionnements physiques, psychologiques ou sociaux et qui résulte du fait que les individus se sentent inaptes à combler un écart avec les exigences ou les attentes les concernant.
Les partenaires sociaux ont admis que le stress pouvait avoir un caractère subjectif en reconnaissant que « différents individus peuvent réagir de manière différente à des situations similaires et un même individu peut, à des moments différents de sa vie, réagir différemment à des situations similaires », ce qui rend la tâche de l’employeur encore plus complexe quant à son obligation de prévention et de gestion du phénomène ».
Les enquêtes sur le stress au travail
Il est intéressant de noter que le stress au travail a fait l’objet de nombreuses enquêtes (française et européenne). Le stress est considéré comme un risque professionnel pouvant affecter tout travailleur quelle que soit son entreprise ou son secteur d’activité, public ou privé, les fonctionnaires n’étant évidemment pas à l’abris de telles pratiques.
L’enquête européenne sur les conditions de travail de 2000 a permis de souligner que le stress au travail est le 2e problème de santé derrière les douleurs dorsales et qu’il affecte 28 % des travailleurs européens. Est également mis en évidence le fait que les travailleurs éprouvent des difficultés face à une exposition prolongée ou répétée à des conditions de travail stressantes et peuvent alors développer divers troubles plus ou moins graves pour leur santé tels que des troubles du sommeil, une agressivité, un repli sur soi, une dépression voire des actes suicidaires. A l’inverse, si l’exposition est modérée, les travailleurs arrivent mieux à la gérer. Il est en effet possible de surmonter l’acceptable, c’est lorsque cela devient excessif que les individus craquent.
En résumé, le stress s’entend de la conséquence des difficultés du salarié à supporter la pression au travail, entraînant une dégradation de son état psychologique pouvant avoir des conséquences sur son état physique. Ces pressions exercées par l’employeur, lorsqu’elles sont nées des contraintes imposées par les impératifs de gestion normaux, relèvent du stress et non du harcèlement moral puisque les agissements ayant entraîné l’état du salarié ne sont pas à eux seuls répréhensibles.
Le harcèlement moral est beaucoup plus que du simple stress et même si la plupart du temps, les deux phénomènes sont présents dans les faits, le stress étant une notion courante dans le milieu professionnel, il faut bien comprendre que le harcèlement emporte plus de désagréments.
Quelle différence entre le stress et le harcèlement moral ?
La plupart des salariés subissant des pressions et des conditions de travail stressantes, il arrive fréquemment que ces personnes se prétendent harcelées alors qu’en réalité elles ne le sont pas.
Juridiquement, le harcèlement moral est qualifié et un salarié qui en serait victime peut demander la condamnation du responsable ainsi que la réparation de son préjudice. Le stress est un concept plus subjectif lié à la faculté qu’a le salarié à gérer la pression.
Le stress ne suffit pas à caractériser le harcèlement moral. Dans un arrêt du 18 septembre 2007 (n°05-45406), la Cour de cassation n’a pas reconnu les faits comme constitutifs de harcèlement moral. En l’espèce, une mauvaise ambiance avait conduit au départ du salarié.
Le stress ne devient destructeur que par excès, le harcèlement est destructeur par sa nature même.
Pour illustrer cette citation de Marie-France HIRIGOYEN, voici un exemple tiré de son ouvrage. Il s’agit du témoignage d’un salarié présent dans l’entreprise depuis de nombreuses années. Une restructuration des services est opérée et le stress commence à devenir constant du fait de la surcharge de travail et des conditions de travail. Par la suite, le salarié fait l’objet de harcèlement moral. Ce qu’il en ressort, c’est que « lorsqu’il était soumis à un rythme de travail épuisant, le salarié était seulement fatigué, mais lorsqu’une personne s’acharne contre lui et l’humilie publiquement, il tombe gravement malade. On voit qu’il ne s’agit pas du tout de la même échelle de gravité ».
Il est constant que des faits de harcèlement moral ne peuvent être confondus avec l’exercice, fut-il autoritaire, du pouvoir général d’organisation du chef d’entreprise. En effet, toute activité professionnelle peut être à l’origine de contraintes, de difficultés relationnelles ou de stress sans que les problèmes de santé qui en découlent soient forcément rattachés à des situations de harcèlement moral. (CA Chambéry, 18 mars 2008, n°07/01338).
Dans le même sens, il ressort d’un arrêt de la Cour d’appel de Grenoble rendu le 23 avril 2007 que l’exercice de toute activité professionnelle conduit à lui seul à gérer des contraintes, des difficultés relationnelles ou du stress qui peuvent être à l’origine de problèmes de santé sans pour autant que ces situations puissent être qualifiées de harcèlement moral.
Selon Marie-France HIRIGOYEN, « lorsqu’on aborde le problème des contraintes professionnelles, il faut avoir conscience que certaines personnes peu motivées par leur travail se sentent harcelées dès qu’on les houspille en essayant de les stimuler ».
Le harcèlement moral va bien au-delà de la simple prise de décision légitime de l’employeur. Il relève de l’abus et s’analyse notamment en une dérive dans l’utilisation du pouvoir de direction.
Même s’il entre dans le rôle de l’employeur du fait du lien de subordination découlant du contrat de travail de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de ses subordonnés, il ne doit pas pour autant dénigrer systématiquement ses salariés, les critiquer dans le but de porter atteinte à leur dignité ou les humilier régulièrement sinon il se rendrait coupable de harcèlement moral. Il doit en effet user de son pouvoir de direction avec retenue, sans abus, sinon il risque de se le voir reprocher par les salariés et de devoir réparer le préjudice subi par ceux-ci.
La situation dans laquelle les propos se manifestent est un point à prendre également en considération. Selon les habitudes ou les pratiques de l’entreprise, certaines paroles pourraient être mal perçues dans certains cas alors que dans d’autres, elles pourraient être considérées comme normales. Il faut donc vivement s’intéresser au contexte.
Pour terminer sur la distinction stress et harcèlement moral, il est utile de préciser que si l’objectif conscient du management par le stress est de motiver les salariés en les plaçant par exemple en concurrence et de les rendre plus performants, le but du harcèlement est souvent de nuire à la personne visée, de la détruire.