​La reconnaissance d'une faute inexcusable par le juge civil peut découler d'une violation des règles de sécurité constatée par le juge pénal.

Lundi 12 Juin 2023

​La reconnaissance d'une faute inexcusable par le juge civil peut découler d'une violation des règles de sécurité constatée par le juge pénal.
Si le juge pénal exclut un manquement aux règles de sécurité, le juge civil ne peut pas retenir la faute inexcusable de l'employeur. Toutefois, si le juge pénal relaxe l'employeur tout en soulignant des manquements, le juge civil peut reconnaître la faute inexcusable.

Dans cet exemple, un employé d'une entreprise spécialisée en géothermie est décédé en 2010 après une chute sur le chantier d'une maison en construction, alors qu'il effectuait des travaux de finition dans la chaufferie en solitaire. L'entreprise a été poursuivie pour homicide involontaire et a été relaxée par une décision définitive en date du 5 avril 2017. La cour a estimé qu'il n'était pas possible de déterminer la cause de la chute (cause du décès) et que le délai écoulé entre la mise en service et l'intervention de l'employé ressemblait à une prestation de maintenance ou de service après-vente. Par conséquent, l'employeur était en droit de croire que le chantier était entièrement terminé. Selon la cour, l'employeur a agi avec diligence et ne peut être accusé d'aucun manquement ou négligence. Ainsi, l'entreprise a été relaxée des charges d'homicide involontaire sur ces bases.

Plusieurs ayants droit de la victime ont ensuite porté l'affaire devant le tribunal des affaires de sécurité sociale pour faire reconnaître la faute inexcusable de l'employeur. Le tribunal des affaires de sécurité sociale et la cour d'appel ont accédé aux demandes des ayants droit. En réponse, l'employeur a interjeté un pourvoi en cassation, affirmant que les juges des instances précédentes avaient violé le principe de l'autorité de la chose jugée en pénal lorsqu'ils ont retenu la faute inexcusable de l'employeur en se basant sur un manquement à son obligation de sécurité et une prise de conscience du danger.

Il convient de noter qu'un arrêt récent de la Cour de cassation a effectivement modifié la jurisprudence concernant la faute inexcusable en cas de relaxe de l'employeur dans le cadre pénal. Désormais, si le juge pénal exclut un manquement aux règles de sécurité, le juge civil ne peut pas retenir la faute inexcusable (Cass. 2e civ., 1er déc. 2022, n° 21-10.773 F-B).

La Cour de cassation confirme la décision des juges des instances précédentes. Dans ce cas spécifique, l'arrêt pénal conclut que si la cause du décès était la chute depuis un étage par une trémie non protégée, rien n'a toutefois permis de déterminer les causes exactes de cette chute et qu'il subsiste un doute quant aux raisons pour lesquelles l'employé a chuté d'un étage de la maison. L'absence de garde-corps à l'escalier d'où la

 victime est tombée et l'absence de mesures de protection, même si le responsable pouvait penser que le chantier était entièrement terminé, indiquent que l'employeur aurait dû être conscient du danger auquel l'employé était exposé et prendre les mesures nécessaires pour le protéger. Les juges des instances précédentes ont donc légitimement pu retenir la faute inexcusable de l'employeur.
Pierre DESMONT
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