Note de synthèse : Travailler pendant un congé de maternité ou un arrêt maladie : préjudice et indemnisation
I. Faits et contexte
Travailler pendant un congé de maternité ou un arrêt maladie, bien que parfois toléré par l'employeur, constitue une infraction au droit du travail et cause nécessairement un préjudice à la salariée concernée. Cette situation soulève des questions juridiques sur les réparations possibles : si la salariée peut légitimement demander des dommages-intérêts pour le préjudice subi, elle ne peut en revanche prétendre à un rappel de salaires pour cette période.
Cette question a été récemment tranchée à plusieurs reprises par la jurisprudence, notamment par la Cour de cassation, qui rappelle les principes applicables et les limites des droits à indemnisation pour les salariés ayant travaillé pendant leur congé de maternité ou d’arrêt maladie.
II. Problème juridique
Le problème juridique central dans cette affaire est de savoir si une salariée, sollicitée pour travailler pendant son congé de maternité ou son arrêt maladie, peut prétendre à une réparation pour le préjudice subi et si cette réparation inclut ou non un rappel de salaire.
L’arrêt de la Cour de cassation en date du 1er juin 2022 (pourvoi n° 21-10.246) illustre ce problème. Dans cette affaire, une salariée, pendant son congé de maternité, avait été invitée à traiter des dossiers et à répondre à des emails professionnels, ce qui avait conduit à une situation de travail partiel pendant cette période de suspension du contrat de travail. La salariée avait sollicité non seulement des dommages-intérêts pour le préjudice subi, mais aussi un rappel de salaire pour les tâches effectuées pendant son congé.
III. Rappel du cadre juridique
En vertu de l’article L1225-4 du Code du travail, une salariée en congé de maternité est protégée contre toute forme de sollicitation professionnelle. De la même manière, les salariés en arrêt maladie bénéficient d'une suspension de leur contrat de travail, ce qui leur permet de se concentrer sur leur rétablissement sans être tenus de travailler.
Lorsque ces protections ne sont pas respectées, il en découle un préjudice pour la salariée concernée, ouvrant droit à des dommages-intérêts. Toutefois, la jurisprudence a toujours considéré que la salariée ne peut réclamer de salaire pour le travail accompli pendant cette période, puisque son contrat est suspendu.
Dans l’arrêt précité, la Cour de cassation confirme cette position en rappelant que la réparation du préjudice moral est la seule voie de recours possible.
IV. Analyse des décisions de justice
Dommages-intérêts pour le préjudice subi
La jurisprudence, notamment l’arrêt du 1er juin 2022, souligne que le fait d'être sollicitée pour travailler pendant un congé de maternité ou un arrêt maladie constitue une atteinte aux droits de la salariée. Ce travail non désiré empiète sur son repos et perturbe sa santé physique et mentale, ce qui justifie l'octroi de dommages-intérêts pour le préjudice moral. La Cour de cassation a ainsi condamné l'employeur à indemniser la salariée pour cette atteinte à son droit au repos.
Absence de rappel de salaire
Toutefois, la Cour de cassation a toujours rejeté les demandes de rappel de salaire pour le travail effectué durant ces périodes de suspension de contrat. Dans une décision du 6 juillet 2023 (pourvoi n° 22-12.657), la Cour a encore une fois rappelé que le contrat de travail étant suspendu, aucune rémunération ne peut être perçue pendant cette période, même si la salariée effectue des tâches pour son employeur. Cette logique repose sur l'idée que le salarié est protégé et ne doit pas être rétribué pour des missions effectuées en dehors du cadre légal de son contrat.
V. Le rôle des élus du CSE
Les élus du Comité Social et Économique (CSE) jouent un rôle essentiel dans la prévention de ce type de situations. Ils ont pour mission de veiller à la bonne application du Code du travail et au respect des droits des salariés, notamment en période de congé de maternité ou d'arrêt maladie. Voici plusieurs actions que les élus du CSE peuvent mettre en œuvre pour protéger les salariés :
Veille au respect des périodes de congé
Les élus doivent être attentifs aux éventuelles sollicitations des salariés pendant leurs congés, et peuvent rappeler à l'employeur l’interdiction de solliciter des collaborateurs en congé de maternité ou en arrêt maladie. Ils peuvent également sensibiliser les salariés sur leurs droits afin que ceux-ci n’hésitent pas à signaler des abus.
Saisine du CSE en cas de litige
Si une salariée est sollicitée pour travailler pendant son congé, les élus du CSE peuvent être saisis et intervenir en alertant l’employeur ou en sollicitant l’inspection du travail pour faire respecter les droits du salarié. Ils jouent un rôle de médiateurs pour éviter que la situation ne dégénère.
Consultation sur les conditions de travail
Le CSE est régulièrement consulté sur les conditions de travail, ce qui inclut le respect des périodes de repos et de congé des salariés. À cette occasion, les élus peuvent aborder le sujet des congés de maternité et des arrêts maladie, et rappeler l’importance de laisser les salariés se reposer pleinement pendant ces périodes.
VI. Conclusion
La jurisprudence récente confirme l’importance de la protection des salariés en congé de maternité ou en arrêt maladie. Les décisions de la Cour de cassation sont cohérentes : la salariée sollicitée pour travailler pendant cette période a droit à des dommages-intérêts pour le préjudice subi, mais ne peut prétendre à un rappel de salaire. Ces jugements rappellent aux employeurs qu’ils doivent respecter scrupuleusement les périodes de repos prévues par la loi pour éviter tout contentieux.
Points clés à retenir :
Rôle du CSE : Les élus doivent être proactifs dans la défense des droits des salariés en congé de maternité ou arrêt maladie. Dommages-intérêts : Les salariés sollicités pendant ces périodes ont droit à une indemnisation pour le préjudice moral subi. Absence de rappel de salaire : Le contrat étant suspendu, il n’y a pas lieu à un rappel de salaire pour des tâches effectuées pendant le congé.
Pour aller plus loin, le rôle des élus du CSE dans ces situations est central. Ils doivent veiller au respect des règles et garantir que les salariés en congé de maternité ou en arrêt maladie puissent bénéficier de leurs droits sans être sollicités, en engageant les discussions nécessaires avec l’employeur et, si besoin, les autorités compétentes.
Faire appel à un expert libre pour accompagner le CSE
Dans le cadre de la protection des droits des salariés en congé de maternité ou en arrêt maladie, les élus du CSE peuvent renforcer leur action en faisant appel à un expert libre. Cet accompagnement permet aux élus de bénéficier d’un regard extérieur neutre et spécialisé pour mieux appréhender les situations complexes et s’assurer du respect des obligations légales par l'employeur.
Rôle de l'expert libre
L’expert libre, indépendant et impartial, apporte une expertise technique et juridique qui aide les élus du CSE à mieux comprendre les enjeux relatifs aux droits des salariés en congé ou en arrêt maladie. Il peut notamment :
Analyser les pratiques de l’entreprise en matière de gestion des congés, notamment les congés de maternité et les arrêts maladie. Proposer des solutions concrètes pour améliorer les pratiques et éviter les sollicitations professionnelles durant ces périodes de suspension du contrat de travail. Assister les élus dans les négociations avec l’employeur et les consultations du CSE pour garantir un respect strict des obligations légales.
L'intérêt de l'expertise indépendante
Le recours à un expert libre permet aux élus du CSE d’objectiver les situations et de proposer des mesures adaptées pour protéger les salariés concernés. L'expertise indépendante renforce également la légitimité des élus dans leurs démarches et leur permet de défendre efficacement les intérêts des salariés face à l'employeur.
Consultation du CSE et financement de l’expert
Conformément à l’article L2315-92 du Code du travail, les élus du CSE peuvent faire appel à un expert libre dans les situations nécessitant un accompagnement technique ou juridique. Le coût de cette expertise est généralement pris en charge par l'employeur lorsque le CSE justifie de la nécessité d'une telle intervention dans l'intérêt des salariés.