Projet de loi de modernisation du marché du travail : exposé des motifs

Mercredi 30 Avril 2008

En application de la loi n° 2007-130 du 31 janvier 2007 de modernisation du dialogue social, les partenaires sociaux ont été invités par le Gouvernement à négocier sur le thème de la modernisation du marché du travail. Un accord national interprofessionnel (ANI) a été signé le 21 janvier 2008 par trois organisations patronales (MEDEF, CGPME, UPA) et quatre des cinq syndicats représentatifs au niveau national (CFDT, FO, CFTC, CFE-CGC).


Exposé des motifs
Les objectifs de cet accord, qui correspondent à ses deux premières parties, sont de faciliter l’entrée dans l’entreprise et améliorer le parcours en emploi (I), sécuriser les contrats et améliorer le retour à l’emploi (II). Les parties III et IV concernent respectivement la place de la négociation collective et les conditions d’entrée en vigueur.


Une première catégorie des stipulations de l’accord est d’application immédiate et entrera donc en vigueur dès la parution au Journal officiel des instruments juridiques que requiert sa mise en œuvre, à savoir :

- d’une part les modifications ou précisions législatives ou réglementaires auxquelles est subordonnée l’application de certaines des stipulations de l’accord ;

- d’autre part, la publication de l’arrêté d’extension pour les stipulations qui ne nécessitent pas de transposition législative ou réglementaire.

Une autre catégorie des stipulations de l’accord renvoie à des négociations interprofessionnelles ou à des négociations de branche ultérieures. Le bilan d’étape professionnel sera ainsi mis en œuvre par avenant à l’ANI avant fin 2008. Une négociation interprofessionnelle déclinera les principes de gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences, les conditions de mise en œuvre de certaines clauses du contrat de travail dans les six mois de l’entrée en vigueur de l’ANI. La négociation de la convention d’assurance chômage permettra de compléter ces dispositions en matière notamment d’accompagnement des demandeurs d’emploi. Des négociations de branche préciseront les modalités de mise en œuvre de la portabilité du droit individuel à la formation (DIF) qui sera applicable dès l’extension de l’accord.

Une troisième catégorie des stipulations de l’accord renvoie enfin à une réflexion entre les pouvoirs publics et les parties signataires, concernant le contexte juridique entourant la mise en place d’un plancher ou d’un plafond des indemnités dues en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le présent projet de loi procède aux modifications de nature législative rendues nécessaires pour la mise en œuvre des clauses de l’accord que les parties signataires ont entendu rendre d’application immédiate.

Il sera complété :

- par l’adoption de décrets relatifs :

*au montant de l’indemnité de licenciement ;
*à la phase de conciliation prud’homale ;
*à la carence en cas d’indemnisation maladie ;
*à la période de consultation du comité d’entreprise sur le plan de formation ;

- par un arrêté édictant le formulaire type permettant de faciliter la procédure de rupture conventionnelle du contrat de travail - formulaire type qui sera élaboré dans le cadre d’un groupe de travail tripartite avec les partenaires sociaux ;

- par un arrêté d’extension aux entreprises et aux salariés compris dans le champ de l’accord.

Ces textes paraîtront aussitôt après la promulgation de la loi.

Ce projet de loi a été élaboré par le Gouvernement en concertation étroite avec les parties signataires, afin de s’assurer du sens et de la portée exacte des stipulations transposées, et après consultation, conformément à la loi de modernisation du dialogue social du 31 janvier 2007, de la Commission nationale de la négociation collective.

L’article 1er , qui correspond à l’article 1 de l’ANI, précise que la forme normale et générale de la relation de travail est le contrat à durée indéterminée.

En conséquence, les contrats à durée déterminée et contrats de mission conclus avec une entreprise de travail temporaire doivent faire l’objet d’une information renforcée du comité d’entreprise ou à défaut des délégués du personnel.

Cette information sera délivrée lors du rapport annuel ou semestriel remis par l’employeur sur la situation économique de l’entreprise. Les éléments qui l’ont conduit au titre de la période considérée à faire appel à ces types de contrats devront être donnés. De même, dans le cadre des perspectives de l’année à venir, l’employeur fera ressortir les éléments qui pourraient le conduire à faire appel à ces mêmes contrats.

L’article 2 transpose les stipulations de l’article 4 de l’accord qui mettent en place des nouvelles périodes d’essai interprofessionnelles par catégories.

La période d’essai vise à permettre à l’employeur d’évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience, et au salarié d’apprécier si les fonctions occupées lui conviennent.

Cet article fixe les durées maximales des périodes d’essai par catégories ainsi que les conditions et procédures relatives à leur renouvellement. Il définit les modalités de fixation de la période d’essai, qui ne se présume pas et doit être expressément stipulée dans la lettre d’engagement ou le contrat de travail, ainsi que ses modalités de comptabilisation en cas de stage intégré à un cursus pédagogique et débouchant sur une embauche dans l’entreprise où il a été effectué. Il fixe enfin la durée du délai de prévenance lorsqu’il est mis fin par l’employeur à la période d’essai.

Les contrats de travail et lettres d’engagement ainsi que des accords collectifs pourront fixer des périodes plus courtes.

Les règles relatives à la durée de la période d’essai que contient cet article sont impératives à l’égard des stipulations conventionnelles antérieures à l’entrée en vigueur de la loi, à l’exception des périodes d’essai plus longues, qui demeureront applicables. Afin de ménager une période de transition avant que les périodes d’essai interprofessionnelles ne s’imposent aux accords de branche antérieurs, le projet de loi permet aux stipulations de ces accords prévoyant des périodes d’essai plus courtes de rester en vigueur pendant une année environ, soit jusqu’au 30 juin 2009. Cette durée, qui correspond à la période légale de maintien en vigueur des dispositions d’un accord collectif dénoncé ou mis en cause, permettra à la négociation de branche d’adapter ces périodes.

L’article 3 vise à faciliter l’accès à certains droits qui sont subordonnés à une condition d’ancienneté. Ainsi est-il prévu l’abaissement à une année au lieu de trois années de cette condition pour le bénéfice de l’indemnisation conventionnelle de la maladie.

L’article 4 porte sur la motivation obligatoire des licenciements pour motif personnel et pour motif économique. Ce motif est porté à la connaissance du salarié.

Cet article abaisse également la durée d’ancienneté dans l’entreprise pour prétendre aux indemnités de licenciement de deux ans à une année.

Enfin, il précise le contenu du reçu pour solde de tout compte et lui donne, par souci de sécurité juridique, un caractère libératoire au-delà d’un délai de six mois.

L’article 5 reprend les stipulations de l’article 12 de l’ANI concernant la rupture conventionnelle (I). Ce nouveau type de rupture, exclusif de la démission et du licenciement, intervient d’un commun accord entre l’employeur et le salarié.. La rupture conventionnelle résulte d’un accord entre l’employeur et le salarié ; elle est assortie d’une indemnité de rupture qui lui est spécifique. Elle ne remet pas en cause les modes de rupture existants et ne porte pas atteinte aux procédures de licenciements collectifs pour cause économique engagés par l’entreprise.

Cet article définit les procédures et garanties en termes d’assistance des parties lors des discussions préalables à la rupture, de délai de rétractation et d’homologation de la convention par le directeur départemental du travail qui ont pour objet de sécuriser le dispositif en garantissant la liberté de consentement des parties. Pour faciliter ces procédures, un formulaire type à remplir avec la convention de rupture, sera également élaboré avec les partenaires sociaux et fixé par arrêté ministériel.

Le projet de loi précise que le conseil des prud’hommes est seul compétent pour connaître des recours contre homologation et convention, car celles-ci ne sont pas détachables l’une de l’autre. Le contentieux sera ainsi simplifié dans l’intérêt des requérants.

S’agissant des représentants du personnel et délégués syndicaux, des salariés bénéficiant d’une protection légale du fait de l’exercice d’un mandat représentatif, la rupture conventionnelle est applicable mais sa validité est subordonnée à l’autorisation de l’inspecteur du travail dans les conditions de droit commun.

Cette rupture conventionnelle n’a pas vocation à s’appliquer à toutes les formes de rupture amiable. Les ruptures intervenant dans le cadre des accords de gestion prévisionnelle des emplois et des plans de sauvegarde de l’emploi relèvent des garanties prévues pour ces procédures spécifiques et non du régime prévu par l’accord interprofessionnel.

Cet article (II et III) prévoit également le régime d’exonérations fiscale et sociale de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle. Les plafonds d’exonérations applicables à l’indemnité de rupture, qui sera au moins égale à l’indemnité de licenciement, sont les mêmes que l’indemnité de licenciement. En revanche, lorsque le salarié a atteint l’âge de la retraite, le régime fiscal et social est le même que celui des départs en retraite.

L’article 6 crée le contrat pour la réalisation d’un objet défini. Ce contrat à durée déterminée, destiné aux ingénieurs et cadres, aura une durée comprise entre dix-huit et trente-six mois. Le recours à ce contrat est subordonné à un accord de branche étendu ou, à défaut, à un accord d’entreprise. Le contrat prend fin par la réalisation du projet pour lequel il a été conclu sauf si le contrat prévoit qu’un motif réel et sérieux peut amener les parties à le rompre à la date anniversaire de sa conclusion. Dans ce cas une indemnité spéciale est versée. Si, une fois l’objet réalisé, les parties ne conviennent pas d’une nouvelle relation contractuelle à durée indéterminée, une indemnité particulière est due.

Le contrat ne peut, conformément à l’ANI, être utilisé pour faire face à un surcroît temporaire d’activité.

Comme le prévoit l’accord, ce dispositif est expérimental pendant une durée de cinq ans. Un bilan sera présenté par le Gouvernement au Parlement. Pour l’élaboration de ce bilan, il sera fait appel aux partenaires sociaux et plus particulièrement aux parties signataires de l’accord ; le projet de rapport du Gouvernement sera soumis à la Commission nationale de la négociation collective. Dans le cadre du suivi de la mise en œuvre des dispositions issues de l’ANI du 11 janvier 2008, les partenaires sociaux pourront également faire part au Gouvernement, pendant la durée de la période d’expérimentation, de tout constat ou analyse ayant trait à la mise en œuvre de ces dispositions.

L’article 7 prévoit la mise en place d’un fonds de mutualisation, à charge des employeurs, destiné à financer, le cas échéant, les frais engendré par le licenciement d’un salarié, qu’il n’est pas possible de reclasser consécutivement à une maladie ou un accident d’origine non professionnelle.

La gestion de ce fonds sera confiée à l’Association pour la gestion du régime d’assurance des créances de salariés (AGS).

L’article 8 transpose les stipulations de l’article 19 de l’ANI relatives au portage salarial. En prévoyant la possibilité pour un accord national interprofessionnel de confier à une branche déterminée la mission d’organiser, par accord, sous un délai de deux ans, la régulation du portage salarial dans un souci de sécurisation du dispositif et de protection des « portés », il donne une base légale aux stipulations de l’ANI du 11 janvier 2008 qui procède précisément à cet exercice. Un cadre légal est ainsi offert au portage, cadre qui sera précisé par l’accord en question.

L’article 9 transpose enfin les stipulations de l’article 11 de l’ANI. Il contient une mesure dont l’objet est d’abroger le contrat « nouvelles embauches » et de sécuriser les contrats en cours à l’entrée en application de la loi en les requalifiant en contrat à durée indéterminée.

L’article 10 a pour objet de prévoir les modalités d’application de la présente loi à Mayotte.

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