Prévention Primaire, Secondaire, Tertiaire : Quel place pour les collectifs de travail.

Samedi 22 Décembre 2018

Travailler, c’est faire œuvre commune, c’est inscrire sa contribution dans un ensemble et – le plus souvent – avoir des équipiers, qu’ils soient ou non des pairs, qu’ils partagent ou non le même métier.


Quel place pour les collectifs de travail ?

Prévention Primaire, Secondaire, Tertiaire : Quel place pour les collectifs de travail.
Le collectif est bien plus qu’une collection d’individu côte à côte, ou - pour reprendre la formule d’Aristote - « la totalité est bien plus que la somme des parties ». Il participe largement à donner le sens et la valeur du travail. Le collectif permet à la personne en situation de travail de dialoguer, de se rassurer, de comprendre, de relativiser, d’ajuster sa pratique face aux difficultés en puisant dans l’expérience commune, de dégager des solutions pragmatiques qui permettent parfois de s’éloigner du prescrit, de réfléchir avec plus de distance à ce qu’elle vit, ce qu’elle ressent. Le collectif procure une sécurité. Lorsqu’il est vivant, il développe ses propres rites, ses moments forts : il a ses traditions et ses codes.
 
Toutefois, le collectif nous enferme autant qu’il nous soutient, car le lien a toujours deux faces : il nous rend aussi dépendant de lui, nous lie.
 
Longtemps, les sociologues des organisations ont considérés que les liens étaient très dépendants de ce que les salariés importaient au travail du fait des appartenances identitaires fortes (origine sociale, géographique, adhésion religieuse, politique, syndicale…).
 
Aujourd’hui, c’est bien l’inverse qui se produit : les liens sont fortement dépendants du travail.
 
Malgré l’annonce de la fin du travail, selon la formule de l’économiste américain Jeremy Rifkin, relayée par divers penseurs au cours des années 1990, nous assistons chaque jour un peu plus au renforcement de la place du travail. « Au terme de quel cheminement le travail a-t-il pu être interprété comme le moyen privilégié de réalisation pour les individus, et comme le cœur du lien social pour la société? » s’interroge ainsi Dominique Méda (1995). La centralité du travail, son emprise, l’implication subjective qui est attendue de nous renforcent le besoin de collectif. Précisément, il devient indispensable pour limiter la dépendance au travail et permettre une respiration, une digestion, en situation ordinaire comme en situation contrainte.
 
Les conséquences psychosociales du passage aux 35 heures dans le secteur hospitalier en France, viennent par exemple rappeler ce besoin de temps d’échange entre soignants hors situations d’intervention auprès des malades : la réduction drastique de ces moments plus ou moins formels entre équipiers (temps de pause, moments de débriefing, séquences de convivialité) générée concrètement par la mise en œuvre de l’évolution du temps de travail, a ici largement participé au recul de la coopération et au délitement des liens, dans un secteur par ailleurs très exposé à l’usure professionnelle.
 
Mais les transformations très rapides d’organisations qui se veulent désormais « agiles », telles que le culte de l’urgence, les sollicitations incessantes du management, la mise en concurrence entre salariés, la place prise par les nouvelles technologies, le développement des communautés virtuelles, la multiplication de liens éphémères selon l’expression du sociologue François Ascher, fragilisent les liens stables et durables, au point de faire du déficit du collectif au travail une préoccupation majeure en terme de santé et sécurité au travail.
 
Revitaliser les collectifs pour lutter efficacement contre les risques au travail
 
Le recul des collectifs contribue à la montée des risques psychosociaux au travail (Grasset et
al. 2011), en ce sens que le salarié ou l’agent confronté à une difficulté ou à la violence ne peut souvent plus référer ce qu’il ressent ou observe à la pratique et au jugement de ses équipiers.
 
Le déclin du sentiment d’un destin commun que générait préalablement un travail durable – voire à vie –, la marchandisation généralisée de services (garde d’enfant, maintien des personnes âgées au domicile…), qui étaient autrefois plus souvent assurés par la famille ou le réseau relationnel (Linhart 2009), délitent encore les liens, agissent aussi contre le vivre ensemble. L’intervention sur ces risques aux conséquences psychiques évidentes, place l’effacement des collectifs au centre des constats. Pire, il arrive désormais fréquemment que le collectif constitue précisément, aux yeux du salarié, la source apparente de ses difficultés.
 
Certaines pratiques de management accélèrent la fragilisation, notamment quand elles aiguisent la dimension concurrentielle entre salariés ou agents. Ainsi, la relation client/fournisseur qui se développe entre services au sein de la même entreprise, le « benchmarking » permanent (Dujarier 2015), l’entretien individuel d’évaluation appliqué aux opérateurs, le « goût du chiffre » (l’omnipotence donnée à la mesure pour apprécier et qualifier le travail) ont pour effet de dévitaliser le collectif, de freiner le développement de liens de confiance qui demandent au contraire stabilité et expérience commune pour se développer. Pourtant, le délitement des collectifs s’avère contre-productif pour l’entreprise, dès lors que les salariés perdent la possibilité d’adaptation aux difficultés faute d’espace d’échange. Ils restent ainsi seuls et parfois désemparés face à leurs interprétations.
 
La santé et le développement des collectifs ne peuvent que constituer un objectif prioritaire pour l’intervention dans l’entreprise, que cette intervention soit ou non liée à un objectif de résolution de crise. Pour durer dans le temps, le travail demande une respiration, une capacité
d’échange entre équipiers, ne serait-ce que pour faire face aux paradoxes destructeurs pour la santé mentale que l’évolution de l’économie génère toujours plus (Gaulejac & Hanique 2015).
 
Recréer des conditions pérennes d’échange sur le travail, sur ses difficultés d’effectuation, anticiper les effets des transformations pour maintenir les liens de confiance et de coopération entre salariés, doivent devenir une préoccupation centrale, dans l’intérêt même de l’entreprise, pour tendre vers la qualité de vie au travail.
 
Les collectifs de travail s’inscrivent aussi bien dans le cadre d’une prévention primaire qui vise à une action sur le milieu du travail, sur le facteur humain pour éviter le risque. Les collectifs s’inscrivent également dans le cadre d’une prévention secondaire qui vise à la surveillance du milieu du travail et de la santé des travailleurs. Pour ce qui est de la prévention tertiaire qui minimise les conséquences des atteintes à la santé du fait du travail, les collectifs y trouvent naturellement leurs places. Ils agissent sur le travail, et agissent sur l’homme. Il ne nous semble pas pertinent de classer les collectifs de travail dans une prévention dite primaire.
 
 

Mettre en place les collectifs de travail

Si vous souhaitez, nous pouvons vous accompagner dans la mise en place des collectifs de travail. Après la réalisation d'un diagnostic en ergonomie des situations de travail, nos consultants vous proposeront des pistes de transformations pour agir efficacement sur les situations de travail.
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