Nos voisins aux Canada : Gare au burn-out !

Lundi 30 Juin 2008

Le burn-out frappe un travailleur sur cinq. Laissé à lui-même, le mal-être risque d'empirer. Comment reconnaître les symptômes ? Et éviter le pire. Aussi, un petit questionnaire informel vous permettra d'évaluer votre niveau de fatigue.


Crevé, au coton, au bout du rouleau, à plat, vidé, brûlé. Le burn-out, ou épuisement professionnel, est un dérèglement passager qui frappe 20% de la population active, autant des femmes que des hommes. Fort heureusement, on peut le prévenir et le vaincre. Mais si on n'y fait pas attention, on peut s'exposer à des complications beaucoup plus sévères.

Secrétaire de direction dans une entreprise de construction, Sylvie B. n'a pas vu venir le coup. Depuis quelques semaines, elle se sentait physiquement fatiguée et psychologiquement épuisée. Un état dont elle se disait responsable et qu'elle considérait insurmontable. Elle confia à une collègue qu'elle se sentait attirée vers le bas et que son travail ne l'intéressait plus. Habituellement de commerce agréable, elle était devenue irascible, piquant colères et crises de larmes sans que la situation ne le justifie.

Ses plombs, qui jusque-là avaient résisté à toutes les surtensions, sautaient les uns après les autres. Les nerfs à fleur de peau, elle s'était mise à croire qu'elle était la première responsable de son état et que tout le monde était insatisfait d'elle: ses collègues de bureau, les membres de sa famille et même l'homme de sa vie. Graduellement, elle est passée de joviale à taciturne. Les maux de tête et les dérèglements digestifs se sont mis de la partie. Perte d'appétit et de poids, insomnie, angoisse et manque d'énergie ont suivi.

Consulté pour brûlures d'estomac résistants au lait de magnésie et autres antiacides, son médecin de famille a rapidement constaté son état d'épuisement généralisé. Aucun doute possible, le burn-out l'avait rejointe. L'aide d'un psychologue était indiquée.

On pourrait croire, puisqu'il est question d'épuisement professionnel, que les facteurs qui conduisent à ce dérèglement sont étroitement, voire uniquement liés au stress du travail. Pour Lucie Gauthier, psychologue, le travail est très rarement la cause unique du burn-out.

«Souvent, c'est le déclencheur ou la goutte qui fait déborder le vase. En règle générale, c'est un amalgame de facteurs qui le cause. C'est un processus qui évolue lentement et dans lequel toutes sortes d'événements jouent un rôle.» Ainsi, un homme ou une femme qui vit des événements psychologiquement difficiles comme la perte d'un être cher, une rupture de couple ou une relation amoureuse qui bat de l'aile, est fragile. Les problèmes de nature professionnelle ne font qu'empirer la situation et accélérer le processus.

Le profil de la victime

Faut-il en déduire que les personnes fragiles sont plus vulnérables? Que le candidat au burn-out manque de force de caractère? Le burn-out, explique la psychologue, n'est pas le lot exclusif des personnes qui présentent des faiblesses de comportement.

«On croit plutôt le contraire. Ce sont les forts de caractère, celles et ceux qui ont les plus grandes capacités d'adaptation qui sont le plus à risque d'être atteints d'un burn-out. À force de carburer à la demande et à la pression, elles en arrivent à oublier que leur dépense d'énergie doit être en équilibre avec leur capacité de la remplacer.»

Lucie Gauthier, pour faire image, le compare au dérèglement d'une batterie d'automobile. Trois sortes d'énergie sont en cause. L'énergie disponible, c'est-à-dire celle que la batterie a accumulée, l'énergie dont on a besoin pour le fonctionnement du véhicule et, enfin, l'énergie nécessaire pour assurer sa recharge. «Tant que ces trois éléments sont en équilibre, tout va bien. Dans le cas contraire, si la batterie est à plat parce que trop sollicitée et que sa recharge devient impossible, les conséquences sont faciles à prévoir.»

Le burn-out, si l'on peut dire, n'est ni sexiste ni sélectif. Il peut toucher le fils de l'ouvrier, l'ouvrier lui-même et les privilégiés de la moisson. Les avocates ne sont pas plus à risque que les soudeurs, les malades pas moins que leurs médecins.

Le comportement face au burn-out varie selon que l'on est un homme ou une femme. Les femmes consultent davantage que les hommes qui, pour ne pas perdre la face devant leurs collègues ou leur patron, se tairont. À leurs yeux le burn-out est souvent un aveu d'échec. Louise St-Arnaud, une psychologue spécialiste de la question, lors d'une conférence, faisait la remarque suivante: «Les hommes consultent moins pour des problèmes de santé mentale que les femmes; ils se suicident à la place ou ils meurent de maladies cardiovasculaires.»

Un burn-out constitue l'étape qui précède une dépression plus sévère qui elle peut conduire beaucoup plus loin.

L'indice par excellence

Peut-on voir venir le burn-out? «Le meilleur indice de la présence possible d'un épuisement professionnel, précise Lucie Gauthier, c'est le changement de comportement.» Toutefois, il est parfois difficile de faire la différence entre filer un mauvais coton et être au bout du rouleau.

«Il y a tout lieu, dit-elle, de se préoccuper d'un comportement inhabituel qui dure depuis plus de deux semaines. Il faut être vigilant, attentif. Il faut avoir à l'œil les colères subites, l'isolement ou le repli sur lui-même de quelqu'un qui est habituellement calme et sociable.»

Peut-on évaluer le niveau de risque d'un burn-out? «Une question qui nous permet de le faire est la suivante: êtes-vous généralement heureuse? La réponse à cette question banale en apparence est habituellement révélatrice. Le bonheur est un signe d'équilibre. Une personne malheureuse ou anxieuse risque de «se brûler» plus vite parce qu'elle compose avec différents facteurs qui gaspillent son énergie. C'est souvent une personne exigeante à son propre égard.»

Sans traitement, le burn-out peut se résorber de lui-même par un repos de six mois environ. Mais, le recours au médecin ou au psychologue est généralement recommandé. Pourquoi? Sans traitement, les risques de «résidus dépressifs» sont élevés, souligne Lucie Gauthier.

Si l'on tient pour acquis que le burn-out résulte de la mise à plat des batteries physiques et psychologiques d'un individu en déséquilibre, dans quelle mesure peut-il être responsable d'avoir accepté une charge de travail plus lourde que ses capacités?

Tout en reconnaissant qu'il faut refuser de pousser ses capacités, Lucie Gauthier admet que ce n'est pas si simple. «Il n'est pas facile de connaître nos limites et encore moins de les faire connaître à un employeur qui établirait votre charge de travail en conséquence. L'idéal serait que l'on puisse le faire.»

Mais tant que la productivité reste le maître mot de la survie de nos entreprises, la prévention reste le moyen le plus efficace de tenir le burn-out en échec.
Lapresseaffaires.ca - Charles Meunier
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