Un changement de nom
Les Tribunaux du travail au lieu des prud'hommes
Nous nous intéressons ici au volet concernant la justice prud'homale (Ndlr : pages 186-189 du rapport général et pages 95-102 du rapport spécialisé, lire en pièce jointe). Le rapport ne préconise pas ce qu'on appelle l'échevinage, c'est-à-dire la fin d'une justice paritaire qui serait remplacée par des juges professionnels. Mais il appelle les partenaires sociaux à tenir compte des "difficultés profondes" de la justice prud'homale et il livre des recettes que certains conseillers prud'hommes pourraient assimiler à une sorte de contrôle ou d'encadrement de leur action par l'institution judiciaire et les juges professionnels.
Les auteurs du rapport proposent d'abord de transformer les conseils des prud'hommes (CPH) en "tribunaux de travail".
But de ce changement de nom ? "Signifier clairement leur rôle juridictionnel et décisionnel, les valoriser et améliorer la compréhension de leur rôle pour les justiciables". Ce changement s'accompagnerait du rattachement des conseils aux tribunaux judiciaires, "sans modification de leur fonctionnement paritaire", leur tutelle échouant au seul ministère de la justice, le ministère du travail n'étant donc plus compétent.
"Un nouvel équilibre procédural"
Les délais de traitement, jugés trop longs, pourraient être améliorés avec "un nouvel équilibre procédural" qui valoriserait "la conciliation" (le taux de conciliation se limite à 10%) : "Ainsi, la mise en état (Ndlr : phase de la procédure écrite au cours de laquelle se déroule l'instruction du contentieux) devrait être suivie avec une aide accrue du greffe et le bureau de conciliation devra être constitué de juges du travail spécialisés sur ces fonctions".
Le rapport, qui recommande que le parquet s'intéresse davantage à la justice prud'homale, évoque un travail commun avec les barreaux "pour contractualiser la gestion procédurale des audiences du tribunal du travail". Il s'agit, une fois encore, de favoriser la conciliation : "Au terme de la mise en état, chaque affaire portée devant le tribunal du travail devrait ab initio (Ndlr : depuis le début) être orientée soit vers la conciliation, soit vers une audience paritaire, soit vers une audience de départage" (Ndlr : audience conduite par un juge professionnel).
Les "MARD" (modes alternatifs de règlement des différends) sont également avancés comme une solution. Les auteurs reprennent l'idée de "mettre en œuvre la pratique de la césure du procès avec médiation intégrée permettant au juge de ne trancher que la question de procédure ou de droit principale et de redonner aux parties la maîtrise de leur procès en trouvant un accord sur les conséquences de la décision du juge".
En outre, chaque président d'un tribunal du travail devrait établir un état des lieux des stocks et des délais de traitement et élaborer un "plan de réduction". Le rapport fixe comme objectif de "retrouver un délai moyen de jugement d'un an à brève échéance".
Le greffier ferait la mise en état
Le rapport critique le taux important d'appel frappant les décisions prud'homales (59,7%), même si cela paraît propre à toutes les juridictions liées au travail étant donné la conflictualité des affaires en jeu. Il pointe aussi le faible taux de confirmation des jugements en appel (28,3%). Il en déduit qu'il faut davantage former les conseillers, et leur donner l'appui d'équipes "d'aide à la décision" qui pourraient accompagner les juges du travail.
"Au vu du taux élevé de départage de certains CPH (conseils de prud'hommes), peut-on lire, l'institutionnalisation de réunions régulières entre les juges du travail et les magistrats professionnels, de première instance et de cour d'appel, au-delà du recours à la procédure de départage, apparaît souhaitable". Le sous-rapport préconise également de "rendre obligatoire une motivation des décisions de départage".
Cette réforme consisterait aussi à renforcer et à valoriser le rôle des greffiers, qui devraient être davantage formés. Ces derniers se verraient en effet directement chargés d'opérer la mise en état des dossiers, "en référant au juge du travail en cas de difficulté", voire la rédaction des jugements.
Des CPH supprimés
Enfin, le rapport préconise de revoir l'organisation et la carte des prud'hommes en France, sachant que 63 CPH ont déjà été supprimés en 2018 (2). Les auteurs suggèrent ainsi de remplacer "la répartition contraignante par section (Ndlr : commerce, industrie, activités diverses, etc.) par une organisation par chambre qui, dans les grands tribunaux du travail, pourrait correspondre à une certaine forme de spécialisation par type de contentieux". Il est du reste déjà possible pour les conseils de créer de telles chambres. Le sous-rapport sur la justice au travail, qui insiste sur l'adaptation des moyens humains et financiers en fonction des conseils, recommande plus directement la suppression des sections agriculture et encadrement.
Le paradoxe de l'évolution actuelle
Notons que les prud'hommes ont connu plusieurs changements ces dernières années. Depuis la loi (Macron) de 2015, la procédure de saisine est désormais écrite et assez exigeante, ce qui a pu dissuader des citoyens de défendre leur droit devant les conseils : la moyenne française de recours au juge du travail (7,4 pour 1000) est très inférieure à la moyenne européenne (10,6 pour 1000), mais cela s'explique aussi par une moindre présence des élus du personnel dans les entreprises.
En outre, l'imposition aux juges d'un barème de dommages et intérêts pour les licenciements sans cause réelle et sérieuse, depuis 2017, et la rupture conventionnelle, ont contribué à diminuer le nombre d'affaires traitées par les conseils (-55% entre 2009 et 2020 !) sans pour autant régler la question de la lenteur de certains rendus de jugement.
Les partenaires sociaux, dans une position commune, ont d'ailleurs réclamé davantage de moyens pour la justice du travail à l'occasion des états généraux et donné des pistes assez différentes des préconisations de ce rapport. Reste à savoir comment ils réagiront à ces propositions qui suscitent déjà certaines critiques. Ainsi, Dominique Holle, président du CPH de Clermont-Ferrand, se montre-t-il très réticent au sujet des modes alternatifs de règlement : "Oui à la conciliation, mais attention à une forme de médiation qui se produirait à l'extérieur des prud'hommes et qui serait payante".
Les auteurs du rapport proposent d'abord de transformer les conseils des prud'hommes (CPH) en "tribunaux de travail".
But de ce changement de nom ? "Signifier clairement leur rôle juridictionnel et décisionnel, les valoriser et améliorer la compréhension de leur rôle pour les justiciables". Ce changement s'accompagnerait du rattachement des conseils aux tribunaux judiciaires, "sans modification de leur fonctionnement paritaire", leur tutelle échouant au seul ministère de la justice, le ministère du travail n'étant donc plus compétent.
"Un nouvel équilibre procédural"
Les délais de traitement, jugés trop longs, pourraient être améliorés avec "un nouvel équilibre procédural" qui valoriserait "la conciliation" (le taux de conciliation se limite à 10%) : "Ainsi, la mise en état (Ndlr : phase de la procédure écrite au cours de laquelle se déroule l'instruction du contentieux) devrait être suivie avec une aide accrue du greffe et le bureau de conciliation devra être constitué de juges du travail spécialisés sur ces fonctions".
Le rapport, qui recommande que le parquet s'intéresse davantage à la justice prud'homale, évoque un travail commun avec les barreaux "pour contractualiser la gestion procédurale des audiences du tribunal du travail". Il s'agit, une fois encore, de favoriser la conciliation : "Au terme de la mise en état, chaque affaire portée devant le tribunal du travail devrait ab initio (Ndlr : depuis le début) être orientée soit vers la conciliation, soit vers une audience paritaire, soit vers une audience de départage" (Ndlr : audience conduite par un juge professionnel).
Les "MARD" (modes alternatifs de règlement des différends) sont également avancés comme une solution. Les auteurs reprennent l'idée de "mettre en œuvre la pratique de la césure du procès avec médiation intégrée permettant au juge de ne trancher que la question de procédure ou de droit principale et de redonner aux parties la maîtrise de leur procès en trouvant un accord sur les conséquences de la décision du juge".
En outre, chaque président d'un tribunal du travail devrait établir un état des lieux des stocks et des délais de traitement et élaborer un "plan de réduction". Le rapport fixe comme objectif de "retrouver un délai moyen de jugement d'un an à brève échéance".
Le greffier ferait la mise en état
Le rapport critique le taux important d'appel frappant les décisions prud'homales (59,7%), même si cela paraît propre à toutes les juridictions liées au travail étant donné la conflictualité des affaires en jeu. Il pointe aussi le faible taux de confirmation des jugements en appel (28,3%). Il en déduit qu'il faut davantage former les conseillers, et leur donner l'appui d'équipes "d'aide à la décision" qui pourraient accompagner les juges du travail.
"Au vu du taux élevé de départage de certains CPH (conseils de prud'hommes), peut-on lire, l'institutionnalisation de réunions régulières entre les juges du travail et les magistrats professionnels, de première instance et de cour d'appel, au-delà du recours à la procédure de départage, apparaît souhaitable". Le sous-rapport préconise également de "rendre obligatoire une motivation des décisions de départage".
Cette réforme consisterait aussi à renforcer et à valoriser le rôle des greffiers, qui devraient être davantage formés. Ces derniers se verraient en effet directement chargés d'opérer la mise en état des dossiers, "en référant au juge du travail en cas de difficulté", voire la rédaction des jugements.
Des CPH supprimés
Enfin, le rapport préconise de revoir l'organisation et la carte des prud'hommes en France, sachant que 63 CPH ont déjà été supprimés en 2018 (2). Les auteurs suggèrent ainsi de remplacer "la répartition contraignante par section (Ndlr : commerce, industrie, activités diverses, etc.) par une organisation par chambre qui, dans les grands tribunaux du travail, pourrait correspondre à une certaine forme de spécialisation par type de contentieux". Il est du reste déjà possible pour les conseils de créer de telles chambres. Le sous-rapport sur la justice au travail, qui insiste sur l'adaptation des moyens humains et financiers en fonction des conseils, recommande plus directement la suppression des sections agriculture et encadrement.
Le paradoxe de l'évolution actuelle
Notons que les prud'hommes ont connu plusieurs changements ces dernières années. Depuis la loi (Macron) de 2015, la procédure de saisine est désormais écrite et assez exigeante, ce qui a pu dissuader des citoyens de défendre leur droit devant les conseils : la moyenne française de recours au juge du travail (7,4 pour 1000) est très inférieure à la moyenne européenne (10,6 pour 1000), mais cela s'explique aussi par une moindre présence des élus du personnel dans les entreprises.
En outre, l'imposition aux juges d'un barème de dommages et intérêts pour les licenciements sans cause réelle et sérieuse, depuis 2017, et la rupture conventionnelle, ont contribué à diminuer le nombre d'affaires traitées par les conseils (-55% entre 2009 et 2020 !) sans pour autant régler la question de la lenteur de certains rendus de jugement.
Les partenaires sociaux, dans une position commune, ont d'ailleurs réclamé davantage de moyens pour la justice du travail à l'occasion des états généraux et donné des pistes assez différentes des préconisations de ce rapport. Reste à savoir comment ils réagiront à ces propositions qui suscitent déjà certaines critiques. Ainsi, Dominique Holle, président du CPH de Clermont-Ferrand, se montre-t-il très réticent au sujet des modes alternatifs de règlement : "Oui à la conciliation, mais attention à une forme de médiation qui se produirait à l'extérieur des prud'hommes et qui serait payante".