Le droit européen des congés payés

Jeudi 23 Juin 2016

le droit européen des congés payés


Le temps de travail, droit au congé annuel de quatre semaine.

le droit européen des congés payés

L’article 7 de la directive européenne 2003/88/CE sur le temps de travail garantit à chaque travailleur un droit à congé annuel de quatre semaines, sans opérer de distinction entre ceux qui ont effectivement travaillé au cours de cette période et les travailleurs absents au cours de la période de référence en raison d’un congé maladie (CJUE, Schultz-Hoff 20 janvier 2009, C-350/06).

En revanche, l’article L. 3141-3 du code du travail subordonne l’acquisition du droit à congés payés à l’exécution d’un travail effectif, sauf quelques tempéraments apportés par l’article L. 3141-5 qui assimile certaines périodes à du travail effectif.

Dans la mesure où la directive 2003/88/CE n’autorise pas une telle dérogation à ses dispositions, la Cour de Justice de l’Union européenne avait invité le juge français à interpréter, autant que possible, le droit interne afin d’assurer l’effectivité du droit de l’Union européenne (CJUE, 24 janvier 2012, Dominguez, C-282/10). C’est ce à quoi s’est employé la Chambre sociale de la Cour de cassation (Soc., 9 juillet 2012, n° 08-44.384, BullCiv. V, n° 204) avec toutefois une limite incontournable : la directive ne permettant pas, dans un litige entre particuliers, d’écarter les dispositions de droit national contraire, le juge ne peut pas surmonter l’obstacle que constitue la lettre des textes de droit national lorsque ceux-ci sont en totale contradiction avec la directive (CJUE, 24 janvier 2012 ; Soc. 13 mars 2013, n° 11-22.285, BullCiv. V, n° 73). En effet, l’obligation d’intégrer les directives de l’Union européenne en droit national incombe aux Etats et non aux employeurs privés.

C’est la situation à laquelle était confrontée la Cour de cassation dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 22 juin 2016, où le salarié demandait le règlement d’une indemnité compensatrice de congés payés correspondant à une période d’arrêt de travail pour accident de travail d’une durée supérieure à un an, pour laquelle l’article L. 3141-5 du code du travail ne permet pas l’acquisition de droits à congés payés, puisqu’il considère comme périodes de travail effectif pour la détermination de la durée du congé les périodes, dans la limite d’une durée ininterrompue d’un an, pendant lesquelles l’exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d’accident du travail ou de maladie professionnelle.

Il reste qu’un Etat membre ne peut pas se prévaloir vis à vis des particuliers de la mauvaise transposition du droit de l’Union, laquelle lui incombe, et que cet Etat, ou tout autre organisme ou entité soumis au contrôle de l’Etat ou qui disposent de pouvoirs exorbitants par rapport aux relations entre particuliers, peut donc se voir opposer les dispositions précises et inconditionnelles d’une directive.

La Cour de cassation a, en conséquence, fait application en l’espèce de la jurisprudence européenne (CJCE 12 juillet 1990, Foster, C-188/89). L’employeur étant dans l’affaire en cause une société privée  délégataire d’un réseau de transport en commun, qui assurait un service public, dont l’étendue, les modalités et les tarifs étaient fixés par l’autorité publique organisatrice et dont les agents du réseau de transport public étaient habilités par la loi et le règlement à constater les contraventions afférentes, les conditions étaient réunies pour que cet employeur soit regardé comme un organisme susceptible de se voir appliquer les dispositions de l’article 7 de la directive 2003/88/CE (CJUE, 24 janvier 2012, Dominguez). Partant, le salarié pouvait donc prétendre sur le fondement de la directive au paiement d’une indemnité compensatrice de congés payés que le code du travail lui refusait.

En revanche, dans la mesure où ce salarié ne tient ses droits que de l’article 7 de la directive qui garantit un congé annuel payé de 4 semaines, l’arrêt de la cour d’appel, qui a accordé des droits supérieurs à ces quatre semaines, est cassé.

Arrêt n° 1289 du 22 juin 2016 (15-20.111) - Cour de cassation - Chambre sociale - ECLI:FR:CCASS:2016:SO01289

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