La fin du télétravail – un retour au bureau à risque pour les entreprises ?

Mardi 15 Octobre 2024

Face à la volonté croissante des entreprises de mettre fin au télétravail et d’organiser un retour massif au bureau, de nombreuses interrogations surgissent quant aux risques psychosociaux potentiels pour les salariés. Cette note de synthèse examine ces enjeux et souligne le rôle central du Comité Social et Économique (CSE) dans la consultation obligatoire prévue par la loi. Nous explorons également la possibilité pour le CSE de faire appel à un expert libre afin de mieux appréhender cette transition délicate et protéger la santé mentale des salariés.


Étude des risques psychosociaux liés à la fin du télétravail et au retour au bureau, et analyse du rôle du CSE dans la consultation sur cette décision.

La fin du télétravail – un retour au bureau à risque pour les entreprises ?

Introduction

Depuis la pandémie de COVID-19, le télétravail s’est imposé comme un mode d’organisation du travail largement adopté par les entreprises. Toutefois, avec la levée progressive des mesures sanitaires, de nombreuses entreprises souhaitent organiser un retour au bureau. Cette décision, bien que motivée par des impératifs d’organisation collective et de cohésion d’équipe, soulève des questions importantes quant aux risques psychosociaux (RPS) potentiellement engendrés par ce retour en présentiel.

La présente note vise à analyser ces risques, ainsi que le cadre légal qui entoure la consultation du Comité Social et Économique (CSE) sur une telle décision. Il sera également question du pouvoir du CSE à ne pas émettre d’avis s’il estime que l’information transmise n’est pas suffisante pour évaluer les enjeux liés à la santé mentale des salariés. Enfin, nous étudierons la possibilité pour le CSE de faire appel à un expert libre pour l’accompagner dans cette consultation délicate.

1. Analyse des risques psychosociaux liés à la fin du télétravail

La fin du télétravail et le retour au bureau peuvent engendrer plusieurs types de risques psychosociaux. Parmi eux, on peut citer :
Perte de flexibilité : Le télétravail a permis aux salariés d’adapter leur rythme de travail à leur vie personnelle. Son arrêt peut provoquer des frustrations liées à la perte de cette autonomie. Augmentation du stress : Le retour en présentiel, souvent accompagné d’un rythme plus soutenu et d’un contrôle accru, peut être perçu comme une pression supplémentaire, augmentant les risques d’épuisement professionnel. Réinsertion dans le collectif : Après une longue période de travail à distance, certains salariés peuvent éprouver des difficultés à réintégrer les dynamiques de groupe, ce qui peut causer des tensions internes et accentuer le mal-être.

Ces éléments doivent être sérieusement pris en compte par les entreprises lorsqu’elles envisagent une réorganisation en présentiel.

2. Le principe de consultation du CSE

La loi impose aux entreprises de consulter le Comité Social et Économique (CSE) sur les décisions susceptibles d’affecter les conditions de travail des salariés. Le CSE doit être informé et consulté, conformément à l’article L. 2312-8 du Code du travail, sur des sujets tels que la santé, la sécurité et les conditions de travail, dont fait partie le télétravail.

La consultation du CSE vise à recueillir son avis sur les conséquences potentielles d’une décision, comme celle du retour au bureau. Cet avis est consultatif, mais le CSE joue un rôle crucial en représentant les salariés et en relayant leurs préoccupations. Le CSE doit également s’assurer que les mesures mises en place par l’employeur respectent les obligations légales de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs.

3. Le droit du CSE à ne pas émettre d’avis

Le CSE peut toutefois se retrouver dans une situation où il juge que les informations fournies par l’employeur ne sont pas suffisantes pour évaluer l’impact d’une décision. En vertu de l’article L. 2312-15 du Code du travail, le CSE peut demander des informations complémentaires si celles-ci sont jugées insuffisantes pour rendre un avis éclairé.

Concernant la fin du télétravail et ses répercussions sur la santé mentale des salariés, le CSE pourrait refuser d’émettre un avis en expliquant qu’il ne dispose pas d’éléments suffisants pour mesurer les effets psychologiques et organisationnels d’un retour en présentiel. Cela pourrait inclure un manque d’études sur les risques psychosociaux, l’absence de plan d’accompagnement pour les salariés vulnérables, ou l’absence d’évaluation des impacts à long terme sur la santé mentale.

En l’absence d’informations adéquates, le CSE pourrait légitimement estimer qu’il n’est pas en mesure d’émettre un avis, ce qui obligerait l’employeur à revoir la consultation et à fournir les données nécessaires.

4. Faire appel à un expert libre pour accompagner le CSE

Lorsqu’une consultation porte sur des sujets aussi sensibles que la santé mentale des salariés, il peut être difficile pour les élus du CSE de disposer de toutes les compétences nécessaires pour évaluer les impacts et proposer des solutions. C’est dans ce cadre que le recours à un expert libre peut s’avérer indispensable.

En effet, le CSE a la possibilité de faire appel à un expert libre en dehors des consultations obligatoires définies par le Code du travail (article L. 2315-94 du Code du travail). Cet expert peut accompagner les représentants du personnel dans la compréhension des enjeux psychologiques, organisationnels et juridiques liés à la fin du télétravail et au retour au bureau. L’expertise externe permet au CSE d’être mieux informé et d’avoir une vision plus globale des risques et des solutions à envisager.

Un expert en risques psychosociaux (RPS) ou en santé au travail peut notamment aider à :
Évaluer les impacts réels sur la santé mentale des salariés. Formuler des recommandations adaptées en termes de prévention des RPS. Négocier des modalités de retour au bureau plus flexibles et mieux encadrées.

L’expert apporte des données objectives et des analyses qui permettent aux élus du CSE de se positionner de manière éclairée et de mieux défendre les intérêts des salariés dans le cadre du dialogue social. De plus, la jurisprudence a confirmé à plusieurs reprises la légitimité du recours à un expert libre pour des sujets sensibles, dès lors que le CSE estime ne pas avoir les ressources suffisantes en interne.

Conclusion

Le retour au bureau marque un tournant important dans l’organisation du travail post-pandémie. Toutefois, il ne doit pas être envisagé sans une réflexion approfondie sur les impacts que cela pourrait avoir sur la santé mentale des salariés, notamment les risques psychosociaux. Le rôle du CSE est de veiller à ce que les salariés soient protégés et que des mesures adaptées soient mises en place pour accompagner cette transition.

Ainsi, il est essentiel que le CSE ne se contente pas d’émettre un simple avis, mais engage un véritable dialogue avec la direction pour co-construire des solutions de flexibilité du travail. Une organisation hybride, alliant télétravail et présentiel, pourrait représenter un compromis durable, permettant de concilier les besoins de l’entreprise et des salariés tout en limitant les risques psychosociaux.

Le recours à un expert libre représente également un atout stratégique pour le CSE, en lui apportant des compétences spécifiques et un éclairage extérieur. Cela permet aux élus de se doter d’outils concrets pour mieux évaluer les risques et les prévenir, tout en renforçant leur capacité à défendre les intérêts des salariés dans cette consultation délicate.

Pierre DESMONT
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