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L'ouverture du capital de la Poste se précise

Lundi 28 Juillet 2008

Le schéma retenu pourrait être celui d'une entrée en Bourse de la future Société Anonyme


L'ouverture du capital de la Poste se précise
Le projet de transformation de La Poste en société anonyme (SA), qui doit être présenté au gouvernement en septembre, prend forme. Il bénéficie d'une écoute très favorable au sommet de l'Etat, où le statut d'établissement public est vu comme un sujet de friction potentiel avec la Commission européenne et, surtout, comme un handicap pour nouer des alliances internationales et réaliser des investissements lourds.

La Poste française est, avec son homologue du Luxembourg, la dernière en Europe à conserver un statut d'établissement public. Le statut de SA permet d'augmenter le capital d'une entreprise selon ses besoins, et de payer des acquisitions par échange de titres.

Resté secret pendant plusieurs mois, ce projet défendu par le président de La Poste, Jean-Paul Bailly, qui en fait désormais la priorité de son mandat, a été baptisé du nom de code "Convention". Il doit permettre à La Poste d'ouvrir son capital à des investisseurs, publics ou privés, qui lui apporteront l'argent nécessaire pour financer sa croissance, dans un marché totalement ouvert à la concurrence à partir de 2011.

Si l'objectif est connu (lever 2 à 3 milliards d'euros, sous la forme d'une augmentation de capital), il reste à arrêter les modalités de l'opération. La banque d'affaires Rothschild, conseil du projet, estime que La Poste vaut autour de 10 milliards d'euros.

Selon nos informations, une piste privilégiée consisterait, une fois La Poste transformée en SA (à la faveur d'une loi qui pourrait être votée en 2009 voire en 2010), à ouvrir son capital à hauteur de 20 % environ sous la forme d'une augmentation de capital, et à la mettre en Bourse. Exactement comme cela a été fait pour EDF et GDF.

Comparée à l'opération de gré à gré, une mise en Bourse présenterait la vertu de la transparence. Elle permettrait aussi, selon un connaisseur du projet, de "créer une référence de marché", c'est-à-dire de mieux connaître la valeur de La Poste. Cela faciliterait ensuite la conclusion d'alliances stratégiques. Le gouvernement aimerait emprunter la voie suivie pour constituer le géant de l'énergie GDF-Suez, qu'il considère comme une réussite industrielle. Dans ce schéma, qui reste une hypothèse de travail, la Caisse des dépôts et consignations (CDC) aurait sa place. Elle pourrait se voir proposer d'"accompagner" l'ouverture du capital, en en prenant une fraction, une perspective à laquelle le directeur général de l'institution publique, Augustin de Romanet, se dit, en privé, plutôt favorable.

La CDC n'a cependant reçu aucune sollicitation directe. De leur côté, les salariés se verraient proposer entre 2 % et 3 % du capital. Quel que soit le schéma retenu, l'Etat restera majoritaire dans le capital, comme l'exige le préambule de la Constitution pour tout "service public national".

Les travaux avançant vite, La Poste prépare les postiers au changement de statut. Une partie de l'encadrement "supérieur", 15 000 personnes au total sur près de 300 000, est convoquée, du 18 au 21 août, à des réunions de travail avec le cabinet de conseil en ressources humaines Altedia. Ces réunions doivent permettre aux dirigeants de l'entreprise publique de sonder le climat social.

La Poste sait qu'elle ne pourra rien entreprendre sans l'adhésion des postiers. Eprouvés par dix années de restructuration, ceux-ci redoutent d'être soumis à des contraintes de rentabilité insupportables. Ils sont soutenus par les syndicats, qui promettent une mobilisation forte, à la rentrée, "contre la privatisation de La Poste et la mort du service public postal". SUD-PTT a appelé à une journée d'action intersyndicale "allant bien au-delà des frontières de l'entreprise", le 4 septembre.

Pour leur part, si beaucoup adhèrent à l'idée d'ouvrir le capital, les 400 cadres dirigeants restent marris de ne pas avoir été mis au courant d'un projet déjà très avancé, alors qu'ils avaient été réunis, le 1er juillet, pour un séminaire stratégique.

"Bourse ou pas Bourse, le jour où le marché postal sera ouvert à la concurrence, des pressions fortes s'exerceront sur le corps social", estime un artisan du projet. Dans un document interne diffusé aux cadres, baptisé "Eléments de langage sur l'évolution de la forme juridique de l'entreprise", la direction de La Poste se justifie : "Si nous voulons continuer à financer le développement des métiers (...), saisir les opportunités de croissance externe pour être une des postes qui structurent le marché européen, il nous faut des moyens supplémentaires, affirme cette note de quatre pages. Nous ne pouvons plus nous tourner vers l'Etat (difficile en période de restrictions budgétaires) et il n'est pas possible d'augmenter notre endettement (nous ne pouvons emprunter plus sans hypothéquer l'avenir)."

Ainsi engagée, la privatisation partielle de La Poste, qui participe à l'aménagement du territoire, constituera l'un des sujets chauds de la rentrée. Le Parti socialiste a annoncé qu'il créerait "un comité de riposte, avec les élus locaux, pour sauvegarder le service public". A l'UMP aussi, les élus, mieux disposés à l'égard du projet, seront vigilants. Pour le député Jean Proriol (Haute-Loire), rapporteur de la loi postale de 2005, si "la Poste doit rester dans la sphère publique", il y a "des raisons objectives de faire bouger cet outil industriel bientôt confronté à une compétition rude".
Anne Michel - lemonde.fr
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