"Il faut faire de l'environnement un vrai sujet du dialogue social"

Mardi 6 Décembre 2022

Dans le contexte du conflit en Ukraine et de la nécessaire sobriété énergétique, le dialogue social a une carte importante à jouer.


"Il faut faire de l'environnement un vrai sujet du dialogue social"

L'environnement est-il plus que jamais au cœur du dialogue social ? 

Le conflit en Ukraine et l'objectif d'atteindre la neutralité carbone d'ici 2050 en application de l'accord de Paris de 2015 placent la transition énergétique et la transition climatique coeur de l'actualité et donc du dialogue social. Le contexte conjoncturel et structurel nous oblige tous à réduire notre consommation d'énergie et à diversifier les sources d'énergie (moins d'énergie fossile et plus d'énergie durable). Les RH doivent de leur côté faire face à ces questions notamment dans le cadre du plan de sobriété que l'entreprise doit élaborer mais également via la base de données économiques, sociales et environnementales (BDESE) utilisée dans le cadre des consultations récurrentes du CSE. 

Quelles sont justement les nouvelles informations que doit contenir la BDESE depuis le décret du 26 avril 2022 ? 

Le contenu de la BDESE varie selon que l'entreprise est soumise ou non à une déclaration de performance extra-financière (DPEF). Il y a environ 3 800 entreprises en France qui y sont soumises. Certaines informations qui figurent déjà dans la DPEF doivent désormais être versées dans la BDESE.

Ainsi, dans la nouvelle rubrique sur la "politique générale en matière d'environnement", l'entreprise doit délivrer des informations notamment sur l'organisation de la société pour prendre en compte les questions environnementales, les démarches de certification et d'évaluation en matière d'environnement (normes ISO par exemple), ainsi que des indicateurs relatifs à la pollution, l'économie circulaire (dont l'utilisation durable des ressources avec des items sur l'eau, les matières premières, l'énergie avec, notamment, les mesures prises pour améliorer l'efficacité énergétique et recourir aux énergies renouvelables).

Dans la nouvelle rubrique portant sur "l'économie circulaire", la BDESE doit contenir des informations sur la prévention et la gestion de la production des déchets dangereux.

Enfin, dans la nouvelle rubrique "changement climatique", les entreprises doivent y insérer le bilan des émissions de gaz à effet de serre réalisé tous les quatre ans pour les entreprises de plus de 500 salariés ou un bilan simplifié s'agissant des entreprises qui ont bénéficié du plan de relance.

Qu'en est-il pour les entreprises qui ne sont pas soumise à la DPEF ? 

Pour les entreprises non soumises à la DPEF, les informations à verser dans la BDESE sont moins nombreuses. En matière de "politique générale environnementale", la BDESE doit contenir des informations sur l'organisation de l'entreprise pour prendre en compte la question environnementale et le cas échéant les démarches d'évaluation ou de certification. S'agissant de "l'économie circulaire", la BDESE doit intégrer des informations relatives à la prévention et la gestion des déchets dangereux et des informations sur l'utilisation durable des ressources en matière de consommation d'eau et d'énergie. Enfin, concernant le "changement climatique", l'entreprise doit, par exemple, donner des informations permettant d'identifier les postes d'émissions directes de gaz à effet de serre. 

Quel rôle peut jouer la BDESE dans ce contexte ? 

Le contenu supplétif de la BDESE est le carburant du dialogue social. Reste à savoir si ces éléments supplétifs vont être suffisants pour répondre aux enjeux récurrents. Il peut être opportun de négocier le contenu de la BDESE et ne pas se contenter du minimum légal. L'employeur comme les représentants du personnel ont tout à y gagner. L'enrichissement de la BDESE peut contribuer à éviter le risque de contentieux pour demander la prolongation des délais de consultation ou pour délit d'entrave.

Comment le dialogue social peut-il évoluer avec la prise en compte de ce nouvel enjeu environnemental ? Comment vont s'opérer les arbitrages entre les enjeux sociaux et environnementaux ?

Jusqu'à présent, deux variables - le capital et le travail - devaient être prises en compte dans le cadre du dialogue social. Désormais il y en a trois avec l'environnement. Il est nécessaire de le prendre en compte car si les acteurs du dialogue social ne se saisissent pas de cette question, c'est le dialogue social qui va être fragilisé. Il faut faire de l'environnement un vrai sujet du dialogue social. Il faut s'interroger sur la manière dont la question de la sobriété va affecter la négociation salaires, le partage de la valeur, la mobilité des salariés et comment il est possible de compenser cette sobriété par une amélioration des conditions de travail ou des gains de pouvoir d'achat. 

Pierre DESMONT
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