Accidents du travail : les derniers arrêts en bref

Mercredi 22 Mars 2023

Les accidents du travail sont la source d'un contentieux important. Vous trouverez ci-après la solution des arrêts qui ont retenu notre attention au cours du dernier mois.


Accidents du travail : les derniers arrêts en bref
 
Dans cette sélection, nous traitons de la faute inexcusable de l'employeur, des réserves qu'il peut émettre, du préjudice d'agrément, de la prescription de l'action en inopposabilité de l'employeur ou bien encore de la composition du salaire de référence servant de base au calcul de l'indemnité journalière.
Réserves de l'employeur
La lettre de l'employeur qui indiquant « Nous émettons des réserves sur le caractère professionnel de l'accident cité en référence du fait qu'aucun témoin ne peut attester l'heure et le lieu indiqué par l'intérimaire » constitue des réserves quant aux circonstances de temps et de lieu de l'accident du travail. À ce stade de la recevabilité des réserves, l'employeur n'est pas tenu d'apporter la preuve de leur bien-fondé, la seule condition étant de formuler les réserves en temps utiles, de sorte que la caisse ne peut prendre sa décision sans procéder à une instruction préalable (Civ. 2e, 5 janv. 2023, n° 21-15.025).
Préjudice d'agrément
Constitue un préjudice d'agrément le fait pour un salarié victime d'une maladie professionnelle, prise en charge au titre du tableau n° 30, de cesser ses activités antérieures de bricolage et de vélo.
L'employeur, qui n'a pas été suivi dans ses arguments, invoquait que l'arrêt de ses activités sportives et de loisirs n'était pas dû à l'impossibilité de les continuer du fait de sa maladie (lésions bénignes sans répercussion sur la fonction pulmonaire), mais à un repli sur lui-même, une démotivation, voire un désintérêt (Civ. 2e, 5 janv. 2023, n° 21-15.508).
Remarque : pour rappel, le préjudice d'agrément est constitué par l'impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs. Il inclut la limitation de la pratique antérieure (CSS, art. L. 452-3).
 
Prescription de l'inopposabilité de la décision de reconnaissance de l'AT/MP
L'information donnée par la caisse à l'employeur de sa décision de prendre en charge la maladie à titre professionnel ne constitue pas une notification et ne fait pas courir contre lui le délai de recours contentieux de deux mois.
En l'absence de texte spécifique, l'action de l'employeur aux fins d'inopposabilité de la décision de la caisse de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident, de la maladie ou de la rechute est au nombre des actions qui se prescrivent par cinq ans en application de l'article 2224 du code civil (Civ. 2e, 5 janv. 2023, n° 21-16.212).
Salaire de référence de l'indemnité journalière
L'indemnité de congés payés et l'indemnité de précarité versées à la fin d'un CDD doivent être prises en compte dans le salaire servant de base au calcul de l'indemnité journalière uniquement pour la fraction correspondant à la période de référence précédant l'arrêt. Ces indemnités étant versées à l'occasion du travail (Civ. 2e, 5 janv. 2023, n° 21-12.259 F-B).
Exemple de faute inexcusable
La faute inexcusable a été retenue à l'égard d'un employeur dont le salarié, commandant de bord, a été victime d'un AVC pris en charge au titre de la législation professionnelle. Les juges relèvent que le salarié : a dû se connecter des dizaines d'heures pendant sa période de repos pour effectuer une autoformation en ligne de maintien des compétences ; n'a réussi à obtenir son certificat qu'après deux échecs qui témoignent de sa grande lassitude, également attestée par ses collègues ; est vu comme très fatigué, manifestant des troubles de la vision, de l'élocution, de la compréhension et de l'équilibre et se plaignant de surmenage. Les jugent ajoutent « qu'intégrer l'apprentissage en ligne dans la politique de formation sans la programmer dans les plannings individuels d'activité, particulièrement pour le personnel navigant soumis à des contraintes physiques et de sécurité particulières, est une responsabilité des directions des ressources humaines et de formation de l'employeur et a été chronologiquement une cause nécessaire de l'accident du salarié ».
Les juges considèrent que l'employeur n'a pas respecté son obligation de sécurité à l'égard de ce salarié : « l'obligation de sécurité pesant sur l'employeur est générale et emporte l'obligation de prévenir toute réaction à la pression ressentie par le salarié, et que l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures propres à l'en préserver ». Et ainsi retiennent la faute inexcusable de l'employeur.
Remarque : les jugent rappellent que le manquement à l'obligation légale de sécurité a le caractère d'une faute inexcusable lorsqu'il avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver. Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident survenu au salarié, mais il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes auraient concouru au dommage (Soc. 25 janv. 2023, n° 20-18.245).
Pierre DESMONT
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